De Berlin à Pékin ?
En juillet, lorsque les compagnies ferroviaires de Serbie, de Croatie et de Slovénie ont déclaré vouloir former
une nouvelle entreprise commune, on a presque pu entendre des petits rires nostalgiques résonner au travers de l'ex-Yougoslavie. Entre 1918 et 1929, les Chemins de fer yougoslaves étaient formellement appelés les Chemins de fer du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Lorsque les trois compagnies ont bel et bien fusionné ce mois-ci, peut-être est-ce le souvenir de cette grandeur passée qui les a fait choisir le nom le plus ennuyeux qui soit : Cargo 10.
Pourtant l'aventure qui se cache derrière Cargo 10 est tout sauf ennuyeuse. Le nom renvoie au
Corridor 10, un axe paneuropéen routier et ferroviaire reliant l'Europe centrale et celle du Sud-est. Il s'agit d'un autre exemple de compagnies dans l'ex-Yougoslavie qui ayant pris conscience de la taille réduite de leurs marchés intérieurs respectifs ont choisi de coopérer. Et cette coopération est grosse d'ambitions internationales.
Aujourd'hui il faut plus de 60 heures pour transporter jusque Istanbul des marchandises au départ de la frontière de la Slovénie et de la Croatie. Igor Hribar des chemins de fer slovènes se plaint que si un train arrive la nuit et que les agents à la douane ne sont pas d'humeur à s'en charger, "ils ne le feront pas". Avec une coopération renforcée entre les Bulgares et les Turcs, le voyage devrait être ramené à 37 heures. On vise même les 25 heures.
Jusqu'à ce que n'éclatent les guerres dans les Balkans dans les années 90, l'essentiel du transport de marchandises entre la Turquie et l'Europe passait par la Yougoslavie. Puis il a été dévié vers la Roumanie et la Bulgarie. Maintenant seules 2% des marchandises entre la Turquie et l'Europe de l'Ouest sont transportées par rail. Environ 22% voyagent par la route et 75% par bateau. Goran Brankovic, le directeur général des Chemins de fer slovènes, déclare que les compagnies turques sont d'avis qu'il est plus rapide et moins cher d'envoyer les containers par mer jusque Trieste puis d'envoyer les conducteurs de camion afin d'amener la marchandise jusqu'à sa destination finale.
Les initiateurs du Corridor 10 s'attendent à un gros rééquilibrage du transport de marchandises au profit du rail. Ils souhaitent être plus qu'un maillon dans la chaîne reliant Istanbul à l'Europe.
D'ici quelques années un tunnel ferroviaire devrait être ouvert sous le Bosphore, 150 ans après avoir été évoqué pour la première fois. Le Bosphore est un point d'étranglement pour le transport de marchandises entre l'Europe et l'Asie. Une fois le tunnel ouvert, les possibilités seront énormes. Avant la Première Guerre mondiale les Allemands rêvaient (et les Anglais en frémissaient) d'une ligne reliant Berlin et Bagdad. Désormais les Turcs et les Chinois parlent d'un service ferroviaire reliant Istanbul (et par conséquent l'Europe) avec Ürümqui en Chine occidentale. Un jour il se pourrait que l'on entende l'appel : "Embarquement général à bord de l'Express Berlin-Pékin, via Belgrade."
From Berlin to Beijing ?
IN JULY, when the railway companies of Serbia, Croatia and Slovenia said they would form a new joint company, you could almost hear nostalgic tittering across former Yugoslavia. Between 1918 and 1929 Yugoslav railways was formally called the railway of the Kingdom of the Serbs, Croats and Slovenes. Perhaps mindful of this grandeur, when the three companies actually merged this month, they chose the dullest name they could find: Cargo 10.
Yet the business behind Cargo 10 is anything but boring. The name refers to Corridor 10, a pan-European road and rail corridor linking central and south-eastern Europe (see map). It is another example of companies in the former Yugoslavia co-operating as they realise how small their domestic markets are. And it has big international ambitions.
Today it takes more than 60 hours to move freight from the border of Slovenia and Croatia to Istanbul. Igor Hribar of Slovenian railways laments that, if a train arrives at night and customs officers do not feel like getting up to process it, “they don’t.” With greater Bulgarian and Turkish co-operation, the journey time should fall to 37 hours. The aim is just 25 hours.
Until the Balkan wars of the 1990s most freight between Turkey and western Europe crossed Yugoslavia. Then it was diverted to Romania and Bulgaria. Now only 2% of freight between Turkey and western Europe is carried by rail. Some 22% goes by road and 75% by ship. Goran Brankovic, director-general of Slovenian railways, says Turkish companies find it cheaper and faster to send containers by sea to Trieste and then fly truck drivers in to take the goods to their final destination.
The founders of Corridor 10 hope for a big shift of freight to rail. They want to be more than just a link in the chain between Istanbul and Europe. In the next few years a rail tunnel will open under the Bosporus, 150 years after it was first mooted. The Bosporus is a rail-freight bottleneck between Europe and Asia. When the tunnel opens, the possibilities will be endless. Before the first world war the Germans had dreams (and the British nightmares) of a Berlin-Baghdad line. Now the Turks and Chinese talk of a rail service linking Istanbul (and so Europe) to Urumqi in western China. One day, the call could be: all aboard the Berlin-Beijing express, via Belgrade.
Source :
economist.com, le 16 septembre 2010.
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