Un
article du très atlantiste Le Monde (mais parfois obligé d'accepter le monde tel qu'il est).
Un article qui aurait également
pu s'intituler « Après la
gazpromisation, l'heure de la rosatomisation ».
Nucléaire :
succès majeur de Moscou en Hongrie
La
Russie a remporté un succès majeur sur l'échiquier européen de
l'énergie, avec la signature, annoncée mardi 14 janvier, d'un
accord pour doubler, d'ici à 2023, la capacité de la centrale
nucléaire de Paks, en Hongrie, grâce à une ligne de financement de
11 milliards d'euros consentie par Moscou.
Le géant russe de l'énergie nucléaire, Rosatom, doit ajouter
deux réacteurs, de 1 200 mégawatts chacun, à cette centrale située
sur le Danube, au sud de Budapest, qui fournit plus de 40 % de
l'électricité du pays. Construite dans les années 1970 avec une
technologie soviétique, elle est jugée aujourd'hui très sûre par
l'Agence internationale pour l'énergie atomique, l'AIEA.
ROSATOM, OUTIL D'INFLUENCE
Après la Finlande, où l'entreprise étatique russe a décroché
fin décembre un contrat pour construire une centrale, la Hongrie est
le deuxième pays de l'Union européenne à signer avec Rosatom,
alors que l'Ukraine, il y a quelques semaines, a sabordé un
partenariat avec Bruxelles pour recevoir à meilleur prix du gaz
russe.
Vladimir Poutine confirme ainsi sa volonté de faire de Rosatom,
en Europe centrale, un outil d'influence géopolitique aussi puissant
que l'autre géant de l'énergie russe, Gazprom.
La Hongrie, dont les besoins énergétiques sont couverts aux
trois quarts par l'ex-Union soviétique, renforce, pour les décennies
à venir, des liens dont elle cherchait plutôt à se défaire. Le
premier ministre hongrois, Viktor Orban, a lui-même critiqué à
maintes reprises la trop grande dépendance de son pays envers
Moscou.
Le choix de Budapest n'est pas en soi une surprise, puisque le
Parlement avait approuvé, début 2009, la construction d'une
nouvelle tranche de Paks. Tout indiquait que, pour des raisons de
cohérence technique, les Russes étaient mieux placés pour enlever
ce contrat. Mais M. Orban ne voulait pas prendre de décision avant
les élections législatives, prévues en avril.
Surtout, il avait annoncé qu'il y aurait un appel d'offres, et
quatre entreprises, dont la Française Areva, s'étaient mises sur
les rangs. La perspective d'obtenir des tarifs plus avantageux de son
fournisseur russe Gazprom, avec lequel le contrat doit être
renégocié en 2015, peut avoir pesé dans sa décision de bousculer
ses plans et de conclure très vite avec Rosatom – sans même qu'un
appel d'offres ait été émis. Le voyage du dirigeant hongrois à
Moscou, mardi, n'avait été annoncé que la veille.
PAS D'APPEL D'OFFRES
Mercredi, la presse hongroise d'opposition critiquait cette
volte-face, le quotidien Népszabadsag reprochant à M.
Orban, grand champion de l'indépendance nationale, de s'être «
assis sur les genoux de l'ours russe ». Mais elle ne
s'interrogeait guère sur les contreparties éventuelles d'un tel
accord qui, autre surprise, sera soumis au Parlement hongrois.
Le désir de baisser les prix de l'énergie en Hongrie – grâce
à du gaz moins cher et, à terme, à l'électricité produite à
Paks – a sans doute compté, tout comme l'opportunité de devenir
un acteur régional du marché, à l'heure où l'Allemagne change son
modèle énergétique.
Enfin, si Bruxelles a donné son feu vert, malgré l'absence
d'appel d'offres contraire aux règles européennes, c'est peut-être
parce qu'on souhaite voir Budapest se dégager du projet de gazoduc
South Stream, piloté lui aussi par Moscou, la construction du
segment hongrois étant censée débuter au printemps 2015.
Source :
lemonde.fr, le 16 janvier 2014.
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