Croatie : La peste blanche* frappe la županjska Posavina
* La peste blanche est une expression qui désigne la dépopulation, N.d.T.
RAČINOVCI – La situation démographique dans la partie orientale de la région de la županjska Posavina soulève bien des inquiétudes, dans ces villages, proches de la Serbie et de la Bosnie, où la peste blanche* sévit. Nombre d'indicateurs sont dans le rouge depuis longtemps. Les jeunes partent chercher du travail ailleurs et seule la population âgée reste sur place. Zoran Aladić, prêtre de la paroisse de Račinovci, qui officie également dans le village de Đurići, s'alarme de l'exode massif des jeunes qui n'ont aucun avenir dans le village. L'année dernière il a dirigé 23 enterrements contre seulement trois baptêmes, et encore les parents de deux enfants sont-ils retournés dans la ville où ils vivent une fois achevée la cérémonie des sacrements. L'année dernière il a marié deux couples.
Depuis que j'ai pris la tête de la paroisse, j'ai procédé à un maximum de cinq baptêmes alors que le nombre des enterrements varie entre 20 et 27. Dans les villages on trouve de plus en plus de maisons vides, la bagatelle de 89 à Račinovci et de 44 à Đurići. De plus, les maisons où ne vit qu'une seule personne sont fort nombreuses. Cela concerne des personnes âgées... rien que pour le début de l'année j'ai enterré deux paroissiens, s'inquiète le prêtre.
Dans la prunelaie d'une maison voisine nous avons découvert un vieillard qui reposait là depuis plusieurs jours. Autrement dit personne ne lui avait rendu visite ni n'avait remarqué son absence. Triste et regrettable mais pourtant vrai, nous ont raconté les riverains.
La situation est d'autant plus alarmante que Račinovci ne compte que 598 habitants alors que Đurići n'en compte que 237. Aladić s'émeut, car si la huitième classe de l'école de Račinovci comporte encore plus de dix élèves en revanche dans les classes inférieures on peut compter les écoliers sur le bout des doigts.
D'un côté on promeut l'éducation et la création de cadres hautement qualifiés, ce qui est fort louable, mais de l'autre aucune perspective de travail n'est offerte aux jeunes dans les villages après avoir achevé leurs études. Ils ne peuvent travailler que dans l'école ou à la commune mais les postes de travail manquent. Même dans le district il leur est impossible de trouver un travail et ils se voient obligés d'aller dans les grandes villes pour gagner leur vie. Le plus troublant est qu'on ne voit pas d'échappatoire à cette situation désespérante ni d'amélioration à la catastrophique courbe démographique, disent nos interlocuteurs, à moins que des Chinois ne viennent peupler nos régions périphériques...
Autrefois on enviait ceux qui vivaient en Slavonie mais aujourd'hui c'est une misère de vivre ici. Telle est notre réalité mais nous n'avons pas le droit de nous laisser abattre. Je tente d'encourager les fidèles et je les invite à faire front tous ensemble pour surmonter plus facilement cette épreuve car à toute époque correspond un moment déroutant muni d'un terme, et nous aussi qui habitons au fin fond du monde en verrons la fin.
Josip Semialjac, le curé de Gunja, n'est pas plus rasséréné. L'année dernière il a présidé à quarante enterrements et à douze baptêmes, mais il précise que seuls six enfants sont restés vivres à Gunja. Sur les douze couples qu'il a marié en 2013, huit ont quitté le village en quête d'une meilleure vie.
Les jeunes qui fréquentent l'école secondaire et la faculté de Gunja ne reviennent plus. Le pire est que des familles entières choisissent de s'en aller. Deux ou trois familles de Gunja sont déjà parties et je crains que bon nombre ne s'apprêtent à en faire autant, prévient le prêtre.