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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 13-10-2009 à 15:54:28

Retour sur l'affaire Miomir Mugoša

 

 

Aujourd'hui pas de traduction de ma part, mais je reviens sur une affaire dont j'avais parlé à deux reprises (1 et 2). (Voir aussi le récit qu'en a fait Reporters sans frontières et qui est à peu près le même). J'y reviens au travers d'un article publié sur le site njegoskij.org, où l'Ambassadeur résidant de France à Podgorica, au Monténégro, un certain M. Bernard Garancher, nous donne quelques éclaircissements, d'ailleurs loin d'être suffisants ni même satisfaisants, mais qui montrent les rapports compliqués entre l'Union européenne et ce petit pays des Balkans.  

 

 

 

 

S.E.M. Bernard Garancher analyse les atteintes aux droits des médias et les dérives de la politique spectacle au Monténégro. 

 

Depuis Podgorica, 14 septembre 2009. 

 

Le 5 août dernier un peu avant minuit, devant le Café "Art" en plein centre de Podgorica, une violente altercation avait opposé le Maire de la capitale, M. Miomir Mugoša (DPS-Parti Démocratique des Socialistes), son fils Miljan - propriétaire de l'établissement et 3ème secrétaire à l'Ambassade du Monténégro à Washington D.C., USA - et leur chauffeur, M. Dragan Radonjić, à deux journalistes du quotidien monténégrin indépendant "Vijesti", en l'occurence MM. Mihailo Jovović et Boris Pejović, pris à parti par le Maire et son entourage alors qu'ils se trouvaient en face du café, sur le boulevard Svetog Petra Cetinjskog, à l'occasion d'un photo reportage d'investigation sur le stationnement illégal des voitures officielles dans le centre-ville. 

 

La nouvelle de l'agression physique et verbale contre les deux journalistes, unanimement condamnée par toutes les ONGs et associations professionnelles comme "un comportement brutal incompatible avec une charge officielle, qui laisse à penser que la violence à l'encontre de la presse est légitime", avait été immédiatement reprise par l'ensemble des agences de presse internationales et l'incident, dans les mains de l'opposition monténégrine, s'était transformé dès le lendemain en "Affaire Mugoša", catharsis de la vieille lutte de clans entre le DPS et ses détracteurs. Alimentant jour après jour, pendant plus d'un mois, les gros titres de la presse nationale en déclarations plus tonitruantes les unes que les autres - où l'atteinte aux droits des médias n'était plus qu'un prétexte à régler des comptes tous azimuts, l'Affaire avait rapidement dérapé en polémique ouverte sur l'éthique de la Commission Européenne (CE), après la révélation des liens contractuels entre S.E. Leopold Maurer, Ambassadeur et Chef de la Délégation de la CE dans le pays, et M. Mugoša, propriétaire-bailleur d'une maison louée à l'Ambassadeur. 

 

Dans une tentative d'obtenir à l'Assemblée Municipale de Podgorica un vote de défiance contre le Maire Mugoša [1], les partis d'opposition avaient essayé de faire entrer dans le débat les chancelleries étrangères qui, prudemment, pour ne pas tomber dans l'ingérence, étaient restées sur le terrain informel du "développement inquiétant", des relations entre une certaine classe politique monténégrine et les "médias nationaux qui adoptent une attitude critique", essayant par ailleurs de recadrer l'incident dans le contexte, plus important et constructif aux yeux de la communauté internationale (USA et Allemagne en tête), de la nécessité de mettre au plus vite en oeuvre la procédure d'appel d'offres pour la licence de radiodiffusion de TV Vijesti - un engagement des autorités du pays pris en décembre 2008 et qui aurait dû intervenir au plus tard avant le 15 du mois dernier. 

 

[1] Aujourd'hui, lundi 14 septembre, la motion de l'opposition pour la destitution du Maire Mugoša a été rejetée à la majorité des voix ; sur 55 conseillers, 22 ont soutenu la motion, 26 (DPS et 3 indépendants) ont voté contre, et les conseillers du SDP - Parti Social-Démocrate se sont abstenus. 

 

***

 

Dans une longue interview accordée à "Vijesti", publiée avant-hier dans son édition du samedi 12 septembre 2009, S.E.M. Bernard Garancher, Ambassadeur résident de France à Podgorica, est revenu sur les atteintes aux droits des médias et les dérives de la politique spectacle au Monténégro, dont l'affaire Mugoša est un bel exemple en ayant littéralement escamoté le vrai fond du débat et toute la vie démocratique du pays pendant plus d'un mois, sans qu'il apparaisse en sortir quoi que ce soit de concret politiquement, aussi bien pour l'homme de la rue que pour les observateurs internationaux. 

 

Commentant rapidement l'ampleur sans commune mesure prise par l'incident devant le Café "Art" qui est certes inacceptable et symptomatique d'un climat total de défiance, mais sur le fond, rien d'autre qu'un "banal" acte d'agression relevant des Tribunaux ordinaires, l'Ambassadeur Garancher a déclaré qu'il était extrêmement vigilant sur la question des droits des médias au Monténégro - qu'il juge globalement satisfaisante au regard des autres pays de la région, mais que l'orientation donnée à l'Affaire n'était que de "la petite politique monténégro-monténégrine sans aucun intérêt pour les gouvernements européens" à l'image, en France, du traitement paresseux et quasi "irréel" de l'information - à peine une brève ! - par le très influent Courrier des Balkans, bras médiatique "armé" du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, qui ne rate pourtant jamais une occasion de tirer à boulet rouge sur les apparatchiks monténégrins. 

 

Tout en déplorant le manque flagrant d'ouverture à la critique dont font preuve certains hommes politiques du pays, l'Ambassadeur de France, en diplomate chevronné, a néanmoins poliment mais sans ambiguïté renvoyé les uns et les autres à leur copie - les politiciens monténégrins à trouver, entre eux et sans y impliquer la communauté internationale, des solutions politiques intérieures à leurs disputes de clans et à se concentrer toujours plus sur la consolidation de leur rôle essentiel comme garant des valeurs démocratiques nationales, en particulier au moment où le pays frappe aux portes de l'Union Européenne (UE). [...]