En Bosnie-Herzégovine la caricature se meurt
L'artiste bosno-herzégovienne Nina Hadžić est née en 1985 à Banja Luka. En 2004, elle a achevé l'Ecole secondaire des arts appliqués à Sarajevo dans la section LGOK. Actuellement elle termine ses études en travaillant à l'Académie des Arts appliqués de Sarajevo. Récemment elle a pris part au projet Bukovina i Hrastovina (Hêtre et Chêne), ce qui lui a permis de publier ses caricatures.
Buka : Les caricatures du prophète Mohamet publiées dans les médias danois avaient déclenché de fortes réactions sur tous les continents. Est-ce que ce genre d'intérêt a accru la demande de caricaturistes sur le marché de la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que les caricatures politiques ont leur public dans ce pays ?
Nina Hadžić : D'après ce que j'ai vu, la caricature se meurt peu à peu, non seulement en Bosnie-Herzégovine mais aussi dans la région. Il revient moins cher de payer une photographie, dont le contenu est intéressant, qu'une caricature de qualité (en termes techniques et conceptuels). Certains des magazines politiques "indépendants" les plus lus ne s'aventurent pas à publier dans leurs pages des caricatures politiques satyriques.
Comment expliques-tu le fait que l'ensemble de la scène politique en Bosnie-Herzégovine soit comique en elle-même et que d'un autre côté il y ait si peu de caricatures ?
Rien que créer une caricature de la façon dont je le fais prend pas mal de temps et ne donne qu'un résultat unique. En revanche sa valeur est misérable (en Bosnie-Herzégovine). C'est pourquoi la plupart des caricaturistes utilisent les techniques mixtes, c'est-à-dire la caricature-collage (comme le faisait le légendaire journal Polikita, récemment éteint) ou le simple dessin.
Le projet auquel tu as récemment participé, Hrastovina & Bukovina, a favorisé à un très haut niveau de production les commentaires sur la politique par le biais du dessin. En avez-vous retiré un avantage concret en ce qui concerne plus de propositions dans les médias et plus de demandes en dessins ?
Plus ou moins ; en général tous sont emballés sur le fond du projet même si recruter un tel profil d'artiste exige une compensation financière particulière. Comme je te l'ai dit, je ne fais plus partie du projet et je travaille actuellement comme freelancer. Le plus souvent on m'adresse des offres pour des caricatures commerciales et un peu moins pour celles faisant dans la satyre politique.
Le dessin en dit plus que les mots et peut s'élever au dessus des nationalités, ce qui constitue une première condition dans la recherche de la normalité en Bosnie-Herzégovine. Selon cette logique, la caricature pourrait tous nous faire rire. As-tu le sentiment qu'il en va ainsi ou bien avons-nous peut-être oublié de rire de nous-mêmes ?
En Bosnie-Herzégovine tous s'accordent sur une chose : qu'ils sont insatisfaits, qu'ils sont manipulés de tous côtés, qu'on se roule dans la boue, que notre Etat est lui-même une caricature. Ainsi maculés et désemparés, nous sommes risibles à nous-mêmes avant toute chose. Alors où voudrais-tu trouver meilleure caricature pour te faire rire !
Quelle est la suite de tes plans ?
Des plans il y en a toujours. Certains sont réellement réalisables, tels que les expositions, les présentations et les grand rendez-vous. En revanche d'autres restent pour l'instant fictifs, comme passer à l'animation de ces mêmes caricatures ou à la création d'un long métrage, voire d'une série de films d'animation. Il s'agit d'une grande entreprise et il convient donc de la préparer à fond.
Source : 6yka.com, le 1er juillet 2010.