posté le 20-04-2010 à 21:14:09
Je présente ce texte sur l'anarchisme en Istrie et en Dalmatie malgré
que je lui trouve quelques imprécisions, une d'entre elles étant que la
période examinée n'est pas suffisamment bien définie.
L'anarchisme en Istrie et en Dalmatie
L'action anarchiste en Dalmatie et en Istrie durant l'occupation [1] fut liée et animée par le groupe anarchiste
Germinal de
Trieste. Au sein du mouvement socialiste ouvrier qui prônait la lutte
des classes et le droit de vote universel, celui qui se distingua le
plus par son engagement anarchiste fut le cordonnier Luigi (Vjekoslav)
Coludrovich. Celui-ci participa à la propagande anarchiste à Zadar,
avec le concours de
Germinal mais aussi du groupe
La Plebe, également
basé à Trieste.
La Plebe comptait beaucoup de correspondants d'Istrie,
de Rijeka et de Dalmatie, notamment de Zadar, justement grâce à
Coludrovich. Une liste des abonnés que publia la revue nous révèle les
noms ou les pseudonymes de nombreux individus de Zadar : Luigi et
Emilia Coludrovich, G. Blaset, G. Volpa, Domenico Primo, Deltoni,
Attilio Zanolla, G. Gastaldo, A. Vlacovich, Francesco Primo, Gino Ganei,
Alfredo, Rocco Potavsich, Cencio, Pietro Lardignome, Camour (ou
Cumaur), Simeone Candia, L. Svanzer, Mareschi. Un rôle particulier
revient au typographe Simeone Candia qui oeuvra avec d'autres
libertaires au sein du comité afin d'instaurer une coopération locale
pour la production et la consommation, puis afin de mettre sur pied le
Centre pour les études sociologiques, qui deviendra réalité par la suite
(1904).
Etant donné que certains anarchistes agissaient en public, il n'était
pas difficile pour la police de les identifier et de les soumettre à des
mesures répressives. Les arrestations et les perquisitions visèrent
surtout Coludrovich, accusé de distribuer des journaux subversifs. Un
certains nombre d'exemplaires de "La Plebe" et de "Il Grido Della Folla"
(Milan) lui seront confisqués. En même temps, certains acheteurs et
lecteurs connus de "La Plebe" furent convoqués par la police
"
interrogés, photographiés... et conseillés de ne pas écouter le
dangereux Coludrovich, qu'ils évitent sa compagnie, s'ils ne veulent pas
finir en prison". Les festivités monarchistes tenues en septembre
servirent pour d'autres arrestation d'agitateurs suspects et de
sympathisants de l'anarchisme. L'attention fut notamment attirée par un
article publié par un certain Attilio L. de Zadar. En écrivant sur
l'organisation d'une future société anarchiste, celui-ci s'arrête sur la
différence entre l'anarchisme individualiste, compris comme une sorte
d'atomisme dans les relations socio-économiques selon les conceptions de
Proudhon et de Stirner que reprendra l'américain Benjamin Tucker dans
ses théories, et l'anarchisme communiste, fondé quant à lui sur le
principe de la propriété commune et sur lequel s'appuient la plupart des
membres du groupe de Trieste... Cependant, étant donné que l'action liée
au groupe
La Plebe se cantonnait à la propagande théorique, certains
anarchistes désireux d'une "propagande par le fait" se réunirent autour du
journal de combat "Germinal" qui soutenait l'action directe au niveau
local, en l'occurrence le terrorisme et le régicide, dans le but de
défendre le sous-prolétariat urbain dont les effectifs avaient grossi à partir de 1890
suite à l'industrialisation des villes.
Le groupe
Germinal ne tarda pas à rassembler de nombreux partisans,
aussi bien à Trieste que dans les villes istriennes toutes proches. Les
luttes que menaient ces journaux afin de protéger les éléments les plus
pauvres de la population, de dénoncer l'enchérissement de la nourriture
et du logement, sans oublier la campagne énergique en faveur de
l'abstention électorale et du droit de vote universel en 1907, étaient
également populaires parmi les travailleurs aux convictions socialistes.
C'est ce qu'indique l'audience du "Germinal" - tiré à 2500 exemplaires -
qui faisait concurrence au journal officiel de la social-démocratie. Le
lien avec la Dalmatie continuait d'être assuré par Luigi Coludrovich de
Zadar, ensuite par l'Italien Edel Squadrini pour Komiža et Split, une
ville animée "
par un groupe de jeunes séditieux libertaires" (Germinal,
Trieste, 28. 06. 1907), contre lequel la répression policière ne
faiblissait pas. Menées par Squadrini, les actions de prosélytisme et de
recueil de signatures en faveur de "Germinal" datent de l'époque où il
était employé dans l'usine de sardines des frères Mardešić, une usine
implantée à Komiža et à Bol. La différence entre les deux groupes de
Trieste est par ailleurs démontrée par un épisode datant de 1907,
lorsque deux étudiants tentèrent de monter un boycott contre "Germinal",
pour la bonne raison qu'eux appartenaient au groupe de "La Plebe"
principalement composé de lycéens et d'étudiants, à la différence du
"Germinal" qui regroupait des anarchistes militants issus des rangs
ouvriers. Cela renforça les perquisitions menées par la police. C'est
ainsi que dans les dossiers liés à ce journal on trouve le nom d'Emilio
Drioli de Trieste et celui de Francesco Padulo. Tous les deux
travaillaient dans l'usine de sardines à Komiža et à Bol. Y figurent
également le cordonnier Giovanni Pavazza de Split, deux commerçants
également de Split que sont Nicola Zavareo et Federico Braida, le
peintre décorateur Antonio Latinčić de Kotor, ainsi que le cordonnier
Giuseppe Bogdanović de Dubrovnik. Des exemplaires du "Germinal" étaient
régulièrement envoyés dans l'usine Mardešić pour être réceptionnés par
Drioli. Parmi les abonnés étrangers on comptait Giorgio Martinović, qui
vécut à Vienne avant de revenir à Split en juin/juillet 1907.
Après de nombreuses perquisitions et arrestations, la police de Split
décida le 3 août de mener une enquête sur le mouvement anarchiste. Outre
les personnes déjà citées et de nombreux sympathisants du mouvement,
l'enquête engloba Giovanni Barisković, Remigio Giudici, Venceslav
Zudenigo, Teodoro Bogić, Marino Kalibović et Ante Zlodre. Ils furent
suspectés de propagande subversive, ce qui provoqua de nouvelles
perquisitions. Kirigin [2] se verra confisquer des exemplaires du
"Germinal", et Braida un revolver ainsi qu'un couteau. Giovanni et Carlo
Pavaza, Kirigin, Martinović, Zavoreo ainsi que Braida furent inculpés
de violation de la loi sur la presse au cours de la même enquête, tandis
que tous les autres ne seront plus poursuivis. Cependant, le 21
décembre 1908, le tribunal rendit un verdict commun d'acquittement, sauf
pour Kirigin qui n'était pas présent dans le pays. S'agissant de
Martinović, il fut aperçu la même année à Milan parmi les activistes
anarchistes, tandis que Giacomo Jelavić de Split fut vu dans le même
genre de milieux à Rome.
Malheureusement, après que
Germinal eut été dissous par la force le 12
juillet, le nombre d'activistes à Zadar et à Split chuta soudainement.
On sait seulement que Coludrovich et Fortunato Stanicich furent
maintenus sous étroite surveillance policière.
C'est tout juste si on entendit encore parler des anarchistes de
Dalmatie et d'Istrie avant que n'éclate la Première guerre mondiale. Le
seul nom digne d'attention à cette époque est celui de Marcello Bolle
(alias Bolo), né à Pula, mais appartenant à la municipalité de Volosca. [3]
Condamné pour vol, il émigra en Argentine dont il fut expulsé en raison
de son activité anarchiste, après quoi il gagna Barcelone où l'on perd
toute trace de lui.
[Ennio Maseratti, CLIO, revue pour les recherches historiques, n°1,
année 1982, Rome]
[1] Avant que n'éclate la Première Guerre mondiale l'Istrie et la
Dalmatie font partie de la double monarchie d'Autriche-Hongrie, ce que
l'auteur, italien, considère peut-être comme une occupation.
[2] Auparavant le dénommé Kirigin n'est pas mentionné dans le texte.
[3] Volosko en croate.
Source :
http://www.masa-hr.org/content/ennio-maseratti-anarhizam-u-dalmaciji-i-istri