Toutefois, la raison pour laquelle une tradition à la fois riche et
précieuse est en train de s'éteindre ne réside pas seulement dans
l'"affreux" capital, mais aussi dans la vanité, ou plutôt tel que le
perçoit Frano Dulibić, dans le peu d'entrain dont font preuve les
pouvoirs, les politiciens et les puissants en général à affronter
l'humour et la caricature. "Dans notre milieu, ils ne sont pas prêts à
accepter de telles piques, ils ne sont pas aptes à rire à leurs dépens
et à envisager qu'il faudrait peut-être changer quelque chose". Plečko,
lui, n'a pas attendu qu'on lui crève ses pneus ou ceux de ses collègues
pour prendre conscience de l'acuité visuelle de sa critique. Il admet
que durant la phase initiale de sa carrière vieille de dix ans il était
plus provocateur, plus incisif, moins scrupuleux, alors qu'aujourd'hui
il connaît très bien la limite qu'il ne peut pas franchir. "Cependant,
je veille toujours à ce que cette autocensure n'émousse pas mon
tranchant, autrement dit à ce que je sois le plus critique possible
envers ce dont je traite - pour piquer sans pour autant trouer",
explique le populaire Nik Titanik.
Il a appris qu'au delà de savoir dessiner et traduire son idée, il lui faut être à la fois un journaliste et un chroniqueur de la société - en somme vivre la caricature vingt-quatre heures sur vingt-quatre. "Tu dois écouter ce que racontent les gens dans la rue, dans le tramway, la commère au magasin, les voisins, la famille, ce qui est écrit sur internet - il faut toujours être en état d'alerte, tendre l'oreille à tout ce qui t'entoure et réagir rapidement."
Le public, poursuit Plečko, aime surtout rire des politiciens, mais
selon lui c'est la preuve que nous vivons dans une époque en déroute où
la politique nous a entièrement envahis, alors que d'un autre côté,
dit-il, on a affaire à une variété totalement "débile" ainsi qu'à des
quasi-vedettes qui sans tempérament font les titres et produisent des
pseudo-oeuvres derrière lesquelles il n'y a rien.
Les commentateurs inspirés et courageux de la réalité, dont les travaux
sont publiés dans les journaux, tendent à disparaître. En plaisantant,
Plećko, dit qu'il en est resté "autant que les doigts d'un travailleur
étourdi dans une scierie". Leur mission, estime néanmoins l'historien de
l'art Dulibić, a été reprise par d'autre médias, parmi lesquels figure
l'art supérieur : "En font certainement partie Siniša Labrović avec ses
performances, Nikolina Ivezić qui fabrique des reliefs, ou encore le
défunt Šutej et bien d'autres artistes."
En réalité, il leur arrive souvent d'exprimer leur critique sociale
justement par un humour piquant propre à la caricature, quoique cela ne
compensera pas le vide en train de naître dans les médias de masse suite
à la disparition de commentaires sous forme de caricatures cinglantes,
limpides et spirituelles, telles que nous en avons besoin dans un monde
où dominent les politiciens corrompus, la pègre influente et les
insolentes vedettes d'un soir.
Source : e-novine.com, le 5 avril 2010.
George Bush lors de sa visite en Croatie, par Nik Titanik