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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 30-03-2010 à 15:22:59

Même les Oustachis ont torturé sur Goli Otok
 


Zoran Ašanin, le président de l'Association des anciens détenus de Voïvodine sur Goli Otok, évoque la création du camp, le sommet de l'Etat qui l'avait conçu et mis en oeuvre ainsi que les témoignages des personnes ayant assisté aux tortures.

Les plus grands héros de la lutte communiste ont fini sur Goli Otok. En revanche, l'Udba n'avait pas craint d'engager des Oustachis, qui sont devenus les tortionnaires les plus brutaux dans ce camp et dans les prisons disséminées au travers de l'ex-Yougoslavie. C'est par ces mots que Zoran Ašanin, le président de l'Association des anciens détenus de Voïvodine sur Goli Otok, décrit la situation à l'époque de la Yougoslavie de 1948, lorsque fut créé, comme il le dit, le camp de concentration le plus brutal dans l'histoire moderne. Il souligne que la Résolution du Bureau d'information et le conflit entre Tito et Staline n'étaient qu'un prétexte pour que Tito règle ses comptes avec ses anciens compagnons d'armes. Cependant, les tourments infligés aux détenus politiques ont à nouveau refait surface et cela après les déclarations publiques de Jovo Kapičić, l'un des chefs de l'Udba ainsi que le créateur de Goli Otok.

Zoran Ašanin explique qu'en Voïvodine environ 200 jugements pour la réhabilitation des détenus sur Goli Otok ont été confirmés et que 600 demandes sont en cours de procès, tandis qu'en Serbie on en compte 2000. Notre interlocuteur estime que ces jugements vont modifier l'histoire telle que nous la connaissons.

Comment tout cela a-t-il débuté ? D'après Ašanin, les nouveaux dirigeants communistes avaient commencé à s'enrichir sans vergogne au lendemain de la guerre. Cela déclencha des protestations de la part des véritables patriotes et des intellectuels, qui se sont retrouvés sur Goli Otok, déclare Ašanin.

- Le conflit entre le parti communiste yougoslave et son homologue russe a bien eu lieu, mais il n'y avait pas de raison pour que le peuple entier s'embarque là dedans, dit Ašanin.

C'est armé de connaissances préalables sur les techniques brutales de torture que plus tard on a veillé à anéantir les esprits et les corps des personnes détenues sur Goli Otok.

- D'après les affirmations de Jefto Šašić, le commandant du KOS, lequel a envoyé 9000 militaires sur Goli Otok, seuls cinq pour-cent des gens y ont été incarcérés en conséquence du Bureau d'information. Les autres ont été emprisonnés parce qu'ils avaient élevé la voix contre les privilèges et l'enrichissement - prétend Ašanin.

Lorsque le moment est venu de régler les comptes avec les "réfractaires", Josip Broz Tito a engagé Juraj Špiler, un agent provocateur de sinistre mémoire à l'époque du Royaume de Yougoslavie. Durant la guerre il avait été engagé dans la gestapo dans le Banat. Après la guerre il fut arrêté.

 

Ensuite il a été espionné par le membre de l'Udba qu'était Tihomir Acketa, une de mes connaissances, lequel ayant appris de quel genre d'homme il s'agissait en informa Josip Broz Tito. Špiler resta en prison jusque 1948, toujours selon Ašanin.

 

C'est alors, dit-il, que Tito engage Špiler pour que celui-ci se remette à l'ouvrage, en tant qu'éminent expert pour la torture. Et il l'amène dans la ville de Titov Vrbas afin qu'il enseigne aux officiers du KOS comment torturer et diriger les enquêtes.

- Ce dernier s'en vient alors dans la Fruška gora, où devant ses élèves, les agents provocateurs de l'Udba, il torturera Andrija Hebrang et Sreten Žujović. S'agissant de Žujović, il le démolira aussitôt et s'en excusera auprès de Tito et des camarades. Hebrang qui n'avait pas voulu demander pardon sera exécuté à Fruška Gora. A partir de 1954 on perd toute trace de Špiler - commente Ašanin.

Outre Jovo Kapičić, qui en tant que responsable de l'Ozna était chargé des camps, on engagea également pour Goli Otok : Ante Raštegorac, Đorđije Nešić, Savo Pređa, Krcun, Vojo Biljanović, Džemal Bijedić, Ranko Balorda... Toutefois, des Oustachis et des Jeunes musulmans, membres de la funeste divison Handschar, ont été amenés à participer aux tortures les plus sauvages sur Goli Otok et dans les prisons au travers de la Yougoslavie, affirme Ašanin. Environ 250 Oustachis et 50 Jeunes musulmans furent conduits au monastère de Dobrićevo, à quelques kilomètres de Bileća. Là on les a préparés pour rejoindre les camps, où ils se présenteraient en tant que membres du Bureau d'information en vue de maltraiter les détenus sur Goli Otok. En récompense, la peine de mort à laquelle ils avaient été condamnés fut commuée en 25 ans de bagne. On leur avait promis dix ans sur Goli Otok mais tous furent libérés au bout de cinq ans.

Boro Viskić, alias Ratibor Mikulić, était un lieutenant de l'Udba ayant été transféré sur Goli Otok. Dans sa jeunesse il avait été un Oustachi, raison pour laquelle il avait été arrêté. Vilko Fijumen, un officier oustachi, est apparu en 1951 à Sveti Grgur en tant que responsable de baraquement. Tugomir Kovačević, enseignant de Bosnie, célèbre oustachi, fut l'un des pires scélérats sur Goli Otok. A ses côtés se trouvaient Anđelko Tvrtković et Rajko Kopavnik. Citons encore Stevan Nikolić Puhalo et Nikola Plećaš. En ce qui concerne la division Handschar, les gens sur Goli Otok ont été torturés par Fikret Mandžuka, Omer Pašić, Hamza Galijašević, Fadilj Duraković, énumère Zoran Ašanin. C'est ce que rapporte le témoignage de Fadilj Duraković, ajoute-t-il. 

S'agissant des hauts fonctionnaires, Zoran Ašanin prétend que Jovo Kapičić a assisté à l'une des premières raclées de détenus ayant débarqué sur Goli Otok.

- Kapičić et Vladimir Rolović étaient venus pour voir comment se comportaient les détenus et leurs agents provocateurs ; ils ont observé tout cela du haut d'un monticule. Dans la première formation à être passée par la "haie", 27 personnes ont succombé aux coups violents. Toutefois, Kapičić affirme aujourd'hui qu'il n'y a pas eu de morts. C'est alors que Kapičić et Rolović ont été retirés. Ensuite est venu Krcun afin que cela ne se reproduise plus. Effectivement l'idée n'était pas de tuer, mais bien d'anéantir les esprits. De façon à répandre la peur encore bien des années plus tard - signale Zoran Ašanin.

Notre interlocuteur nous dit que Jovo Kapičić a également croisé Blažo Raičević, l'une des premières victimes de Goli Otok.

Amoché, Blažo Raičević avait été amené devant Jovo Kapičić par Steva Avramov, un témoin. Kapičić déclara : "Blažo, regarde à quoi tu ressembles ! Permets que l'on te renvoie à la maison", puis il lui offrit des cigarettes. Mais Blažo a frappé le paquet si bien que les cigarettes se sont répandues par terre. Ils ont voulu le tabasser mais Kapičić ne l'a pas permis. Le soir Raičević a été tué - devant son fils. Ils lui ont sauté à pieds joints sur la poitrine - déclare Ašanin.

Les gens qui à bord du sinistre navire "Punat" étaient arrivés sur Goli Otok éprouvent encore du mal à parler. Evoquant les tortures au moyen de l'eau versée dans les narines, au moyen de la "tinette", du transport des pierres, etc..., Ašanin les déclare importantes si l'on veut révéler et préserver la vérité. Le père d'Ašanin, Radivoje, a passé trois ans sur Goli Otok. De plus, il affirme que c'est là que sont morts ses deux oncles. Leurs corps n'ont jamais été retrouvés.

Source : politika.rs, le 29 mars 2010.