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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 22-12-2009 à 15:19:50

Lorsque le crime rapporte doublement

 

 

Marica Šeatović, dont l'époux a été tué en 1991 par un membre de l'Armée croate (HV), doit rembourser pour la seconde fois dix mille kunas de frais judiciaires. 

 

Depuis 1992, Marica Šeatović de la localité de Novska mène un combat judiciaire en raison du meurtre de son époux Mihajlo. Avec trois autres personnes il avait été tué dans la nuit du 21 au 22 novembre 1991. Le meurtre avait été commis par des membres de l'Armée croate contre lesquels fut engagée une procédure pénale devant la Cour militaire à Zagreb, où elle fut interrompue sur décision de la même cour en vertu de la Loi du pardon

 

Marica Šeatović, qui au début ne savait même pas qu'un procès était mené devant la Cour militaire, déposa un recours devant la Cour constitutionnelle contre la décision rendue en 1992. Cependant il fut rejeté au motif que "toutes les voies de recours n'ont pas été épuisées dans le pays".

 

En 2004, elle tenta également d'introduire une plainte pour réparation de préjudice non matériel à l'encontre de l'Etat, en raison des souffrances morales causées par le décès d'un proche. Cependant, la plainte introduite fut rejetée dans son ensemble pour cause de prescription. Il lui fallut par ailleurs rembourser les frais judiciaires pour un montant de dix mille kunas. Elle fit l'objet d'une saisie sur sa pension de retraite s'élevant à 1.500 kunas, de sorte que Marica Šeatović a payé sa dette à l'Etat. 

 

 

Toujours les mêmes raisons

 

En 2008, la Cour constitutionnelle renvoie l'affaire au Tribunal d'instance pour être rejugée. L'année dernière la plainte a de nouveau été rejetée, à nouveau pour cause de prescription et à nouveau accompagnée de débours judicaires, là aussi pour un montant de dix mille kunas. 

 

"Pour trois débats menés, dont un a été reporté, je dois de nouveau payer dix mille kunas pour la même affaire. L'Etat ne reconnaît pas le crime, et moi je suis sanctionnée. J'ignore ce qu'ils attendent de moi ? Peut-être que je verse un salaire journalier au meurtrier et qu'ils me fourrent en prison ?", se demande ulcérée Marica Šeatović. Après sa plainte datant de janvier de cette année, le Tribunal d'instance n'a toujours pas rendu sa décision... 

 

Tout aussi effrayant, mais mieux connu de l'opinion, est le cas de la famille Solar de la ville de Sisak. Ljubica Solar, la fille de Vjera Solar, avait été tuée le 17 septembre 1991 dans l'appartement de son petit ami Duško Malović par une balle tirée au travers de la fenêtre par un tireur embusqué. L'investigation avait été réalisée par la police, en l'absence d'un juge d'instruction et sans autopsie du corps. Un mois plus tard la police dépose une plainte pour homicide. Cependant, l'époque et les circonstances suggèrent un crime de guerre commis contre la population civile. 

 

C'est en 1991 que le parquet de Sisak avait pris connaissance de la plainte, mais jusqu'à ce jour aucun auteur potentiel n'a encore été inculpé. Vjera Solar avait voulu déposer une plainte en raison de crime de guerre, mais il lui avait été dit que cela n'était pas fondé. C'est ainsi qu'en 2003 elle déposa une plainte pour réparation de préjudice, et un an plus tard une plainte à l'encontre de la République de Croatie. Le Tribunal d'instance à Sisak a rejeté la plainte - un air connu - pour cause de prescription et de non respect des conditions découlant de la Loi sur la responsabilité pour le préjudice né suite à des actes terroristes et à des manifestations publiques. Depuis sa plainte devant le Tribunal d'instance, aucune décision n'a encore été rendue... 

 

 

"Tous connaissent le meurtrier" 

 

- La justice est longue et lente. J'avais 52 ans, maintenant j'en ai 70 et j'en suis encore au début. Constamment je reçois la même réponse comme quoi l'enquête suit son cours, et ainsi depuis 18 ans déjà. Tous connaissent le meurtrier. Personne n'invoque sa responsabilité. Il a été interrogé auprès du procureur, naturellement tous nient, mais il a refusé de se soumettre au détecteur de mensonge. Je me demande bien pourquoi. Il n'a même pas été conduit devant le juge d'instruction, on me dit que ce n'est pas nécessaire, déclare Vjera Solar. 

 

Le seul chemin vers la vérité passe par l'homme qui en son temps s'était dit prêt à témoigner, mais il purge une peine de prison d'une durée de 12 ans. 

 

- On attend l'année prochaine lorsque sa peine aura expiré afin qu'il témoigne éventuellement. D'après ce qu'on entend dire, ce témoin est en mauvais état psychique, de sorte que ce témoignage ne donnera rien, estime Vjera Solar. Et elle ajoute qu'on ne lui a toujours pas réclamé les frais de justice qui s'élèvent déjà à 84 mille kunas. 

 

Par le biais de l'Association civile contre la violence, Vjera Solar a rassemblé des données sur la mort de 103 civils à Sisak au début des années quatre-vingt-dix.

 

Source : h-alter.org, le 22 décembre 2009.  

 

Pour approfondir, voir Les nationalistes ont détruit la justice