Affaire Hartmann : l'Association des Journalistes Européens publie les pages que le TPIY veut interdire
Notre consoeur Florence Hartmann, journaliste et ancienne porte-parole du procureur du Tribunal Pénal pour l'ex-Yougoslavie, va être jugée du 15 au 17 juin prochains par ce même tribunal pour "outrage à la cour".
Elle encourt une peine de 7 ans de prison ou 100.000 euros d'amende.
Le tribunal lui repproche trois pages d'un livre, Paix et Châtiment, paru en septembre 2007, dans lesquelles elle rapporte les circonstances dans lesquelles le tribunal a délibérément effacé les passages impliquant le plus clairement l'Etat serbe dans les massacres de civils en Bosnie-Herzégovine durant les années 92-95. L'enjeu ? Ces preuves auraient probablement permis de faire condamner l'Etat serbe pour génocide et ainsi permis aux dizaines de milliers de victimes ou à leurs familles de réclamer à la Serbie des réparations.
L'association des journalistes européens a déjà marqué son soutien à Florence Hartmann. Aujourd'hui, pour marquer notre solidarité, nous publions les pages mises en cause dans ce procès, extraites du livre "Paix et Châtiment" (Flammarion, pages 120 à 122).
Comment les archives éclairant le rôle de la Serbie de Milosevic dans le génocide en Bosnie-Herzégovine ont été soustraites à la connaissance du public.
(...) Les juges du TPIY ont soustrait à la connaissance du public des documents cruciaux dans le seul but d'empêcher une éventuelle condamnation de la Serbie devant une autre cour de justice des Nations unies, la Cour internationale de Justice (CIJ).
Plusieurs décisions des juges du TPIY montrent clairement que l'ordre de non-divulgation a été concédé pour ne pas porter préjudice à la Serbie dans le litige l'opposant à la Bosnie-Herzégovine devant la CIJ. Les juges du TPIY y admettent que la divulgation des passages les plus compromettants des archives du CSD pouvait avoir "un impact négatif" sur l'issue de la procédure engagée devant la CIJ. Ils reconnaissent vouloir par leur décision éviter à la Serbie d'être condamnée pour génocide et contrainte de payer des réparations aux victimes. Belgrade a obtenu gain de cause en arguant de "l'intérêt vital national" de l'Etat serbe.
Les juges en charge de l'affaire Milosevic, le britannique Richard May, le jamaïcain Patrick Robinson et le sud-coréen O-Gon Kwon, ont préféré à l'intérêt de la justice et de la vérité la stabilité supposée d'un pays. Ils se sont ainsi faits complices d'un mensonge. Ils vont cependant faire marche arrière en 2005.
Mi 2005, ils refusent d'accorder à la Serbie une nouvelle demande de non-divulgation qui concernait cette fois-ci des dossiers personnels militaires. Ces documents montraient explicitement que Ratko Mladic ainsi que d'autres généraux de l'armée serbe de Bosnie (VRS) étaient membres de l'armée de Serbie (VJ) et relevaient de l'autorité suprême de Belgrade. Opposée à ce que ces documents deviennent publics, la Serbie avait fait appel de la décision.
La chambre d'appel considéra en septembre 2005 que toutes les décisions relatives à la confidentialité des documents du CSD, rendues jusqu'ici par les juges en charge de l'affaire Milosevic, au motif que leur divulgation pouvait nuire à l'"intérêt vital national" de la Serbie relevait d'"une erreur de droit" puisqu'il ne s'agissait pas strictement de raisons de "sécurité nationale". Mais, plutôt que de corriger l'erreur qu'elle venait de constater et de lever le secret sur tous ces documents, la chambre d'appel jugea que les décisions rendues jusqu'à présent avaient créé "une attente légitime" de la Serbie de voir toutes ses requêtes similaires ultérieures satisfaites sur la même base. Les juges d'appel considéraient par conséquent "injuste" de refuser à la Serbie les mesures de confidentialité réclamées pour les dossiers militaires.
Choqués par cette décision, Carla Del Ponte et son équipe du parquet conviennent de saisir les juges dans l'affaire Milosevic et de faire valoir l'invalidation de l'"intérêt vital national" pour demander immédiatement la levée des mesures de confidentialité sur les archives du CSD. Le 6 décembre 2005, les juges Iain Bonomy, le remplaçant de Richard May, et Robinson acceptent, malgré l'opposition du juge Kwon, d'annuler les mesures de protection en vigueur depuis 2003, comprenant que Belgrade ne cherche pas à protéger sa sécurité nationale mais bien à entraver la justice dans sa recherche de la vérité. Belgrade fait aussitôt appel et obtient une suspension provisoire de la décision, empêchant ainsi la Bosnie de soumettre les archives du CSD à la CIJ, avant l'ouverture des audiences consacrées à sa plainte fin février 2006. Le 6 avril 2006, après avoir examiné les arguments du parquet, les cinq juges de la Chambre d'appel, toujours présidée par l'Italien Fausto Pocar, décident de casser la décision du 6 décembre 2005. Les informations impliquant directement l'Etat serbe dans la guerre en Bosnie et dans les massacres de Srebrenica restent ainsi inaccessibles à la CIJ et au public. Le parquet n'est pas en mesure de dénoncer le scandale publiquement, les juges ayant rendu chacune de leurs décisions avec la mention "confidentialité".
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Plus d'informations sur le site de l'Association des Journalistes Européens.
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Podrška za Florance Hartman
Organizacija "Reporteri bez granica" postavila je na svoj sajt tri stranica knjige Florance Hartman "Mir i kazna" zbog koje je optužena za nepoštovanje Haškog tribunala i pozvala ostale medije da učine isto.
Artmanova je do 2006. godine bila portparolka tadašnje glavne tužiteljice Tribunala Le Monde sa Balkana. Ona je u avgustu prošle godine optužena za nepoštovanje Haškog tribunala jer je objelodanila sadrž dvije povjerljive odluke Žalbenog vijeća iz procesa protiv Slobonada Miloševića, donijete septembra 2004. i aprila 2006.
Artmanova navodi da su tim odlukama sudije Haškog tribunala učestovale u prikrivanju ključnih dokumenata o umiješanosti Srbije u genocid u Srebrenici tako što su odbile da skinu oznaku povjerljivosti za zapisnika Vrhovnog savjeta odbrane, koje je zvanični Beograd dostavio Tribunalu tokom suđenja Miloševiću.
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Source : H-alter, le 10 juin 2009.