Bosnie : phase expulsions
C'est au lendemain de la très médiatisée visite en Algérie du ministre des Affaires étrangères bosniaque, Sven Alkalaj, les 8 et 9 février dernier, qu'Omar Frendi, de nationalité algérienne, a été arrêté et placé au centre de rétention de Lukavica, dans l'attente de son renvoi en Algérie. En voilà une fâcheuse coïncidence. Officiellement, les échanges entre Sven Alkalaj et son homologue algérien n'étaient qu'un "échange d'informations" sur les Algériens de Guantanamo, dont trois ont pu rentrer en Bosnie. Rien d'autre n'a filtré. Alors, simple facétie du calendrier ?
Quoi qu'il en soit, le sort d'Omar Frendi n'est pas tranché et ne peut s'expliquer uniquement par cette visite. Il ressort plus largement de la politique de la Bosnie vis-à-vis des volontaires étrangers venus dans ce pays dans les années quatre vingt dix. Ancien citoyen bosniaque, Omar Frendi, qui vit depuis plus de dix ans en Bosnie, qui est marié avec une ressortissante bosniaque, Nirsada Nadzić, et qui a deux enfants bosniaques, s'est vu retirer sa nationalité en vertu de la loi de révision des nationalités acquises entre 1992 et 2006, une loi taillée sur mesure pour priver de leur nationalité tous les Bosniaques d'origine arabe ou musulmane venus prêter main forte aux Bosniaques pendant la guerre, soit par leur participation militaire au conflit, soit par leur contribution à des associations humanitaires.
Comme des centaines d'autres, il a perdu sa nationalité et son droit au séjour. Et c'est un renvoi vers l'Algérie, où il pourrait être soumis à de mauvais traitements, qui l'attend, en contravention de l'article 3 de la Convention européenne ratifiée par l'Etat bosniaque.
Il ne s'agit pas d'hypothèses. La commission a travaillé plusieurs années. Les victimes de la loi ont tenté de se protéger d'un renvoi et ont demandé l'asile et ne l'ont pas obtenu, d'autres ont sollicité le droit au séjour et se le sont vus refuser, d'obscures considérations sur la "sécurité du pays" étant soudain invoquées alors que les personnes concernées vivent dans le pays depuis plus de vingt ans. Les autorités invoquent les facilités pour les Bosniaques à l'avenir à obtenir des visas pour l'Europe lorsque "la Bosnie ne sera plus l'otage d'un petit groupe de personnes dont la présence entache l'image du pays"...
Mimoun Attou, un Algérien qui avait eu la nationalité bosniaque en 1994, a été déchu de cette dernière et a été renvoyé en Algérie le 9 décembre 2007. Imad El Houssine, Syrien déchu de sa nationalité bosniaque, est au centre de rétention de Lukavica depuis le 6 octobre 2008, dans l'attente de son renvoi en Syrie, autant dire à la torture. C'est le même sort qui attend Omar Frendi. Et dans leur empressement à renvoyer ces ex-Bosniaques, les forces de sécurité feignent d'ignorer les décisions de justice. C'est ainsi que Jilali Raffak, un ex Bosniaque redevenu Marocain, a bien failli être conduit en rétention il y a quelques jours, au mépris d'une décision de la Cour de Bosnie ajournant son expulsion pour un réexamen de sa situation, décision pourtant antérieure à la descente de police.
Les tempêtes qui secouent la Bosnie depuis quelques mois, vacance à la tête de la tutelle internationale sur le pays, arrestation en Croatie du vice ministre de la Sûreté bosniaque et président de la commission de révision des nationalités, Vjekoslav Vukovic, n'ont en rien altéré le cours de la répression à l'égard de ces ex-Bosniaques.
Signé : Luiza Toscane
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Source : nawaat.org, le 7 mars 2009.