Les écrans nettoyés des journalistes qui ne conviennent pas
Les médias croates sont sous la forte pression de la politique mais, à la différence des époques antérieures, il s'agit aujourd'hui de méthodes plus subtiles qui passent par les patrons de presse et les annonciateurs, avertissent les analystes des médias ainsi que les journalistes.
A la veille des prochaines élections locales, puis de celles présidentielles, c'est la télévision publique (la plus puissante) à être la première visée, elle qui est adonnée à tout pouvoir. Cependant, les autres rédactions ne sont pas non plus épargnées par l'étreinte politique et patronnale ainsi que par la mise au pas des indésirables.
"A intervalle régulier, un par un, les journalistes politiques sont les premiers à disparaître des écrans. Presque toute l'équipe du Journal télévisé a été écartée. A tout instant un journaliste ou l'autre est suspendu pour avoir exprimé son opinion ou usé de la liberté rédactionnelle ; le dernier cas en date est celui de Petar Štefanić qui a été écarté de l'émission télévisée "Dosje", parce qu'il avait invité des hôtes indésirables qui ne plaisaient pas à la rédactrice en chef", déclarent ces sources.
Le chroniqueur du site Indeks.hr, Tomislav Klauški, fut le dernier à avoir été invité dans l'émission "dosje" de Štefanić. Visiblement son passage n'avait "nullement plu" à la rédactrice en chef de la Télévision nationale croate (HTV), Hloverka Novak-Srzić, étant donné ses critiques fréquentes contre le pouvoir de Sanader et la direction de la Télévision nationale.
"On savait clairement pourquoi elle avait été placée là et c'est ce qu'elle fait systématiquement depuis le premier jour. Elle a remplacé 12 rédacteurs depuis son arrivée, elle a supprimé certaines émissions, certains journalistes se sont évaporés. On travaille systématiquement à nettoyer le programme d'information et à créer les conditions de façon à ce qu'il n'y ait pas de note dissonnante à la Télévision publique", a déclaré Klauški à Radio Free Europe.
D'après lui, Hloverka Novak-Srzić a créé les conditions préalables pour que le HDZ [la Communauté démocratique croate, N.d.T.] puisse regarder en toute tranquillité le Journal télévisé à 19h30, sans aucunes craintes ni secousses.
"Certaines émissions chatouilleuses font désormais défaut. Les conditions ont été créées pour que le HDZ, en ce qui concerne la télévision publique, mais aussi une bonne partie des autres médias, s'engage sereinement dans la campagne électorale", suggère Klauški.
L'expert médiatique et professeur à la Faculté des sciences politiques Stjepan Malović trouve inquiétant que tout cela se déroule tranquillement, sans grandes réactions de la part de l'opinion, de l'opposition politique, et mêmes des journalistes.
Il ajoute que la Croatie n'a toujours pas de contrat collectif au niveau de l'Etat, or elle est la première parmi tous les pays en transition à avoir commencé à travailler là-dessus.
"Nous ne disposons pas de conseil pour les médias, alors que chacun dispose d'un conseil pour les médias. On va même jusqu'à se moquer de la Bosnie-Herzégovine en tant que protectorat, alors qu'ils ont entièrement résolu la chose. A tout le moins, il existe une sorte de système légal dans lequel les journalistes exercent. Nous, nous n'avons rien de tout cela, et tous se taisent là-dessus, à commencer par l'organisation professionnelle", fait savoir Malović.
________________
Source : Oslobođenje, le 31 janvier 2009.