La cinquième colonne en guerre avec la mafia
Il est assez difficile de croire que la guerre contre la mafia puisse être remportée par des gens qui jusqu'à présent ont copiné en public avec sa fine fleur, écrit Jelena Lovric.
Nous sommes en guerre ; la mafia l'a imposée à l'Etat. C'est ainsi que le vieux renard Vladimir Seks juge la situation nouvelle en Croatie. Selon lui, les liquidations brutales à intervalle rapproché en plein Zagreb - Hodak et Pukanic - sont un message à caractère mafieux transmis au sommet de l'Etat.
La mafia a annoncé la guerre à la société croate et à l'Etat, la Croatie se trouvant en situation de nécessaire défense, ainsi qu'au début des années 90, prétend le vice-Premier ministre au Parlement. Et il signale que sont de mise la vitesse, la résolution et l'intransigeance pour vaincre dans la guerre qu'a imposée la mafia.
Les affirmations de Seks sont au diapason avec celles du président Mesic (Terrorisme !) et du Premier ministre (je ne permettrai pas que soit créé Beyrouth !). Le ton dramatique est visiblement inspiré par le sentiment que les balles et les bombes, en tant que message signé par les cercles de la mafia, sont cette fois destinées aux chefs de l'Etat. Ce n'est que lorsque les coups de feu ont commencé sous ses fenêtres que le sommet de l'Etat s'est rappelé que les structures criminelles menacent la stabilité et l'organisation du pays. Mais, malgré le tocsin, la façon dont il se comporte présage la capitulation.
Si dans les années 90 la Croatie s'était défendue comme le font les généraux de la guerre nouvellement proclamée contre la mafia, on se demande bien qui aurait célébré la victoire. Si la Croatie avait alors été consciente du fait que Franjo Tudjman mène des conciliabules avec Slobodan Milosevic, l'homogénéité dans la défense aurait certainement été mise en péril. Or, les hautes instances actuelles ne cachent nullement leurs liens avec les cercles contre lesquels elles sont censées guerroyer. Elles vont même jusqu'à les souligner et à les manifester quotidiennement.
Tandis que le président et le Premier ministre affirment foncer au combat, le porte-parole du Gouvernement continue à ne voir aucun problème à ce que le secrétaire d'Etat Branko Grgic fréquente abondamment Sinisa Soso et, présumément, d'autres types obscurs. Car, selon lui, Soso est un manager de football et le fait qu'il a pris dix ans pour meurtre et qu'il appartient manifestement au milieu criminel ne mérite absolument aucune mention. Le porte-parole de Sanader soutient résolumment qu'au sein du Gouvernement on ne songe pas du tout à remplacer Grgic. Malgré qu'en même temps on parle de s'attaquer à la mafia par tous les expédients.
Une même perversion a lieu à Zagreb où Milan Bandic est venu se camper lui-même à la tête de l'offensive anti-mafia. Bien que ce soit justement lui qui dans les structures municipales ait ouvert l'espace pour les parrains et ait créé un cercle d'amis pour des affaires louches. Et bien qu'il se soit lui-même trouvé à plusieurs reprises dans le collimateur du Bureau pour la prévention de la corruption et du crime (USKOK).
Il est assez difficile de croire que la guerre contre la mafia puisse être remportée par des gens qui copinent en public avec sa fine fleur. Au lieu de nettoyer leurs propres rangs et d'installer un cordon sanitaire envers le milieu du crime organisé, les politiciens siègent à la même table que les membres de la pègre, ils s'amusent et ils traitent d'affaires, en leur offrant ainsi la légitimité de personnes socialement acceptées. Grâce à eux la mafia est devenue une partie de l'élite sociale. Aujourd'hui la situation est telle que les journalistes politiques se doivent d'être bien informés sur ce qui se trame de ce côté de la loi afin de pouvoir comprendre les événements. Pour bien suivre la scène politique locale il est nécessaire de connaître les gangsters.
Si l'Etat est en guerre avec la mafia, alors les fréquentations entre les pouvoirs politiques et les représentants du crime organisé ne sont pas seulement répugnantes mais mérite d'être considérées comme un acte de collusion avec la cinquième colonne et un asile offert à l'ennemi. Dans une vraie guerre un tel comportement serait considéré comme une trahison.
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Source : H-alter, le 28 octobre 2008.