Z Magazin encore et toujours dans la clandestinité
L'édition régionale de la revue mondialement renommée ne peut être acquise en Croatie que dans quelques librairies alternatives, car Tisak (le distributeur national, N.d.T.) refuse de la distribuer, soi-disant pour raison d'inadéquation au marché. Il ne nous reste qu'à deviner en quoi consiste l'inadéquation de Z Magazin : dans son contenu subversif, dans le fait qu'il est imprimé en serbe, dans son faible tirage ou alors dans une combinaison des trois facteurs plus d'autres choses encore ?
Au milieu des années 80, le Mouvement pour la liberté (Pokret za slobodu) de Serbie avait lancé une édition balkanique de Z Magazin. L'édition originale de cette revue remonte déjà à l'année 1987, aux USA. Elle avait été lancée par des intellectuels engagés, des activistes et l'auteur Michael Albert ainsi que par l'écrivaine, actrice et féministe radicale Lidya Sargent. Quelques-uns des auteurs planétaires les plus importants, dont Noam Chomsky et Naomi Klein, y avaient publié leurs travaux. A la différence des publications d'un contenu libéral similaire qui sont le plus souvent distribuées par les circuits alternatifs, les citoyens de Serbie peuvent acheter tous les trois mois l'édition balkanique de Z Magazin dans leurs kiosques. Toutefois, les éditeurs n'ont pas eu la même chance pour percer sur le marché croate parce que le groupe Tisak refuse de les distribuer.
"En Serbie nous n'avons pas eu de trop gros problèmes pour trouver des distributeurs pour le magazine, mis à part les ennuyeuses formalités administratives, tandis que le groupe Tisak croate refuse de le distribuer au motif que la revue n'est pas adéquate au marché", nous a déclaré Milenko Sreckovic, un des rédacteurs de la revue.
Pourquoi se taisent-ils à Tisak ?
D'après Sreckovic, la rédaction de Z Magazin était auparavant informée que seul le groupe Tisak distribue les publications serbes en Croatie.
"Il semble que cela ait désormais changé et qu'il existe deux distributeurs, mais après que Tisak nous ait refusés nous avons commencé à nous appuyer sur le réseau d'infoshop qui se développe de plus en plus sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, de sorte que nous n'avons pas même pris la peine de contacter d'autres distributeurs", explique Sreckovic.
"Pendant plusieurs jours nous n'avons pas pu contacter la direction de Tisak pour commenter cette affaire. Si à première vue il semble que par cette décision le groupe Tisak viole la loi sur les médias, où il est clairement stipulé que les distributeurs de presse sont obligés d'établir et d'annoncer de façon habituelle les conditions générales pour la distribution de la presse et qu'ils ne peuvent refuser d'assumer la distribution de la presse d'un autre éditeur qui le demande et déclare accepter les conditions générales énoncées, ces conditions générales stipulent néanmoins que ne sont pas concernées les publications étrangères. Toutefois, nous ignorons en vertu de quels critères la direction de Tisak décide de distribuer ou non certaines publications étrangères."
"Nous ignorons d'après quelles lois ou règles internes de la maison ils refusent la distribution. La personne de contact chez Tisak nous a dit d'en discuter avec la centrale auprès de laquelle nous avions demandé une justification écrite et une confirmation pour nous avoir éconduits, mais nous n'avons jamais reçu de réponse en retour", a ajouté Sreckovic.
Même si les publications d'un contenu similaire sont rarememt vues ou presque jamais dans des points de vente comme le sont les kiosques, les membres du Mouvement pour la liberté se sont décidés à en assurer la distribution de la sorte, car ils tiennent à répandre le plus largement les idées qu'ils défendent. Le tirage du premier numéro avait été de mille exemplaires, et ensuite il a progressé de numéro en numéro, de sorte qu'il s'élève maintenant à près de deux milles.
Tous les gens de Z
Le Z Magazin actuel est constitué de textes traduits à partir de l'exemplaire original global mais aussi de textes d'auteurs de nos contrées qui traitent de thèmes balkaniques. C'est ainsi que certains des anciens titres contiennent des textes de Marija Simovic, une activiste...
[s'ensuit une description d'auteurs et de leurs contributions que je n'ai pas traduite]
Ils bénéficient d'un gros appui de l'étranger, de la part de personnes originaires des pays balkaniques qui se sont rassemblées sous le nom Global Balkans. Le premier numéro de la version locale de Z Magazin avait été financé par des travailleurs organisés disposant de revenus un peu plus consistant, puis ce rôle avait été repris par des donations de lecteurs du magazine. La rédaction américaine avait également promis un flux régulier d'une certaine aide financière après avoir douté dans un premier temps lorsque l'édition espagnole avait fait fiasco.
"La rédaction dissocie rigoureusement son média alternatif des contenus médiatiques qui nous cernent quotidiennement. Les médias sont devenus une sorte de marchandise sur le marché qui tente de s'attirer les faveurs des lecteurs aux travers des "charmes des magazines", tels que les femmes à poil, les couleurs photographiques, les nouvelles à sensation, les interviews exclusives... Z Magazin n'entend pas rivaliser avec l'industrie de la manipulation mais plutôt trouver sa voie vers le lecteur de diverses manières, le plus souvent par le biais des recommandations de lecteurs qui sont déjà tombés dessus", déclare Sreckovic.
Le Mouvement pour la liberté
Les rédacteurs de la version locale de Z Magazin sont des activistes de l'organisation Pokret za slobodu (Le Mouvement pour la liberté), laquelle était née en Serbie peu après la chute de Slobodan Milosevic, lorsque s'étaient rassemblées des personnes engagées dans des luttes particulières - certaines pour les droits des travailleurs, d'autres pour les réfugiés ou pour les droits des étudiants.
"Le nouveau pouvoir "démocratique" a également continué à mener la société dans une direction qui laisse une énorme couche de la population sans moyens élémentaires pour vivre et se développer. Les travailleurs restent sans travail et usines, on ne tient pas compte des réfugiés et des Roms, des taxes scolaires toujours plus élevées sont introduites pour les étudiants, et en même temps les politiciens et les organisations non gouvernementales tentent de persuader la population de la nécessité d'en sacrifier certains pour que d'autres s'emparent d'une part du gâteau venant de la table des pays développés", nous a déclaré Sreckovic.
Si pour des raisons obscures il n'est pas possible de trouver Z Magazin dans les kiosques croates, tous les exemplaires publiés peuvent néanmoins être acquis dans la maison d'édition indépendante Sto citas ou durant les Subverzija, qui sont des soirées de guérilla médiatique et de terrorisme poétique ayant lieu chaque lundi à 19 heures au club internet MaMa, dans la rue Preradovic n°9 à Zagreb, à Rijeka dans l'infoshop Skatula, et à Pula dans l'infoshop Mica-Maca.
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Source : H-alter, le 24 octobre 2008.