Nous nous réapproprions l'histoire qui nous a été volée
Le collectif des jeunes antifascistes de Zagreb (MAZ) est à l'oeuvre depuis quelques années. Depuis l'année dernière il fonctionne selon le principe de la démocratie directe : pas de structure hiérarchique alors que toutes les décisions sont prises par une trentaine de membres actifs lors d'assemblées mensuelles. Selon les affinités et les capacités de chacun, les membres se réunissent en groupes thématiques chargés de divers segments d'activités. L'une de ces membres rédige la revue “La ville insoumise” dont la rédaction intègre cette année Katerina Duda, Velimir Gašparac, Iva Ivšić, Nataša Kovačević, Iva Marčetić et Milena Ostojić.
Les principes de la démocratie directe sont également appliqués au sein des groupes thématiques du MAZ, la revue se passe donc d'un rédacteur en chef dans le sens courant. Au lieu de cela nous décidons en commun de toutes les questions portant sur chaque numéro. Ce processus génère une politique rédactionnelle et en même temps renforce la confiance entre les membres du groupe, c'est-à-dire la rédaction, explique Velimir Gašparac.
Iva Ivšić énumère les autres activités du MAZ.
Une fois par année nous organisons la Marche de la solidarité pour attirer l'attention sur certaines politiques sociales et économiques qui excluent, privent de leurs droits et appauvrissent divers groupes sociaux. La discrimination des Roms, la désindustrialisation de Zagreb et les atteintes aux droits des travailleurs suite à la nouvelle proposition de Loi relative au travail font notamment partie des problèmes que nous jugeons trop peu débattus en public ou mal interprétés. Il s'impose donc de creuser et de confronter publiquement les véritables causes et implications. Une fois par an nous organisons le concert “Antifa najt” (“La soirée antifa”), animé par des groupes aux orientations de gauche et antifascistes. Nous organisons aussi régulièrement des tribunes où nous abordons des thèmes sociaux actuels. Ainsi l'année dernière des tribunes ont porté sur Vukovar et le cyrillique, sur le référendum sur le mariage, sur les travaux à domicile non payés, sur l'héritage du Front antifasciste des femmes et les méthodes modernes d'organiser la défense des droits des femmes. A l'occasion du 40è anniversaire de la mort de Salvador Allende nous avons organisé une tribune sur la trajectoire chilienne dans le socialisme. L'une des activités du MAS consiste à organiser des cercles d'auto-apprentissage : nous y analysons la problématique de l'antifascisme dans le contexte historique, nous y interrogeons et étudions la redéfinition et l'usage de ce concept et de son héritage aujourd'hui, égrène notre interlocutrice.
Nous n'acceptons pas que la Lutte de libération nationale (NOB) soit réduite à un conflit entre oustachis et partisans. Les membres du MAZ tendent à la considérer sous l'angle de la lutte émancipatoire des travailleurs, c'est-à-dire de la lutte des classes. C'est en cela que Velimir Gašparac voit le potentiel de l'antifascisme qui aujourd'hui encore pourrait fédérer les initiatives progressistes de gauche dans le combat pour une société plus juste.
A ce titre “La ville insoumise” est conçue comme une plateforme qui présente les activités du MAZ et qui pour divers auteurs, activistes, théoriciens sociaux, historiens et autres protagonistes engagés ouvre un espace à la discussion sur les problèmes des relations sociales et économiques ainsi que sur les options et manières d'organiser la résistance au système.
Après le premier numéro élaboré bénévolement nous avons ressenti le besoin de poursuivre de manière plus systématique. Ainsi en automne nous avons demandé et obtenu auprès du ministère de la Culture des fonds pour éditer un deuxième numéro. Les tribunes et les clubs que nous organisons traçent le contenu de la revue. Les sujets politiques sont notamment abordés au travers de l'art. Dans ce numéro apparait un entretien avec Andrej Kulunčić, une présentation des travaux du jeune Marko Gutić Mižimakov ainsi qu'un choix de poèmes de Srečko Kosovel, explique Katerina Duda.
Dans le numéro actuel on trouve également un article d' Alan Maričić sur le Front national, une traduction de Joseph Choonara sur le Front unique, un article de Vedrana Bibić qui passe en revue les luttes féministes depuis les années soixante-dix juqu'à aujourd'hui et celui de Karolina Leaković portant sur l'érosion du réseau social suite à la commercialisation et à la privatisation de l'éducation ainsi que sur les conséquences de cette politique pour les femmes. La copie a été présentée à Zagreb, à Pula et à Rijeka, et de nombreux exemplaires ont été envoyés en Serbie et en Bosnie. Il est envisagé de la présenter aux élèves du secondaire, aux étudiants et associations soeurs dans toute la région. “La ville insoumise” opte pour la collaboration avec les autres médias ; les articles sont transmis à d'autres sites amis et sur Facebook. L'ensemble des numéros pourrait très bien figurer sur la page internet du MAZ qui est en préparation.
Le troisième numéro de “La ville insoumise” sortira à la mi-mai et le quatrième en septembre.
La revue ne se rattache pas à un projet particulier, sa parution dépend uniquement des centre d'intérêts que manifestent les membres du MAZ. Nous espérons qu'au fil du temps l'équipe rédactionnelle s'étoffera et maintiendra sa ligne en intégrant pleinement les idées, les méthodes, les principes et l'organisation du MAZ. L'important est de produire du savoir, d'enseigner comment il est possible aujourd'hui de parler d'antifascisme dans la sphère publique, qui pendant longtemps a été dénuée de contenus antifascistes mais en revanche a été saturée par ses déclamations vides, prétend Iva Marčetić.
Le MAZ collabore avec un ensemble de groupes antifa et d'organisations proches de gauche en Croatie (le Centre pour les études ouvrières, le BRID, le Front féminin...) à Belgrade et à Novi Sad. La “Soirée antifa” de cette année s'inscrit dans cette collaboration. Des conférences sur l'antifascisme actuel et sur les perspectives communes y réuniront un grand nombre de groupes antifa régionaux.
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Source : http://www.novossti.com/2014/03/vracamo-povijest-koja-nam-je-ukradena/