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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 05-03-2014 à 12:05:02

 

 

Avant  de développer d’autres aspects, il faut évoquer ces « assemblées populaires » qui ont pris le nom de « Plenum » à Tuzla et qui se sont multipliées sous différentes formes à travers la Bosnie-Herzégovine en colère. Il serait utile d’entrer un peu dans le fonctionnement du Plenum de Sarajevo pour situer quelques oscillations contradictoires  de cette nouvelle  démocratie :

 

Le 17 février, avant de monter à l’étage où il se tient, je suis arrêté dans le hall d’entrée par les flics qui assurent la sécurité du Plenum ( des vrais, avec uniformes…) : On me fait passer dans un portail détecteur de métaux et les sacs doivent parallèlement  passer sur tapis roulant dans un détecteur  approprié. Ma bouteille d’eau est ouverte pour vérifier qu’elle ne contient pas subrepticement de l’alcool  ou de l’essence ( ?).

 

La salle de réunion, dans laquelle on rentre par le premier étage, est un vaste amphithéâtre  avec au-dessus un large couloir circulaire où se trouvent sièges et  petites tables. De-ci de-là, circulent , tout à fait détendus , pas franchement amicaux mais presque, de un à trois flics s’assurant que personne ne trouble la démocratie. On note bien, dans ce tas d’uniformes, que quelques-uns sont plus attentionnés que d’autres et que leur activité relève  davantage  du Renseignement Général que de la circulation automobile.

 

Les discussions et les interventions sont fluides. Un souci de recherche d’unanimité n’entrave pas des expressions critiques résolues. Dans cette atmosphère cosy, on est presque entre gens bien.

 

Il s’y trouve, à mon avis entre 600 et moins de 1000 participants. Les gens sont plus nombreux qu’au rassemblement qui a eu lieu avant dans la rue, parce qu’un certain nombre d’entre eux y viennent après le travail.

Le point à l’ordre du jour est le suivant : en résumé, «  Personne ne peut représenter le Plenum, mais nous devons choisir qui portera physiquement nos doléances/revendications  aux autorités. Treize volontaires se sont proposés, nous avons convenu, auparavant (?),  d’une délégation de sept personnes pour ne pas être trop nombreux… Il va donc falloir décider qui ira, qui n’ira pas… Les 13 citoyens volontaires  vont se présenter à vous un par un » ( le terme  « gradanin », extrait de « grad », cité ou bourg, peut se traduire par citoyen ou… bourgeois, ce qui est une manière involontaire de remettre la démocratie à sa place)

 

Les 13 personnes se présentent très sobrement, nom prénom activité et deux trois remarques. C’est en majorité des chômeurs, quelques prolos en activité, quelques retraités,  deux travailleurs émigrés revenu en Bosnie, l’un de Suède, l’autre de France. Dans mon souvenir, il y avait trois femmes. (Les femmes étaient nombreuses dans l’assistance et présentes, plus généralement,  dans les interventions)

 

Une fois que tout le monde s’est présenté, la fille qui tenait le micro a fait repasser les « citoyens » un par un pour les exposer aux décisions de l’assemblée. Les deux premiers se sont fait siffler direct, puis les autres ont été retenus ou rejetés selon une procédure un peu aléatoire  et mouvante mais toujours très démocratique. La question posée était tour à tour est-ce que vous en voulez ou est-ce que vous n’en voulez pas, sans ordre très précis dans les questions. Ceux qui étaient rejetés  l’étaient, il me semble, toujours après plusieurs tours de question. Certains, connus, étaient acclamés  et élus dans la foulée. Au bout de cette séance qui dura un certain temps, sept personnes furent choisies. Puis, une fois ce choix fait, l’un des « élus » prit le micro à la fille qui dirigeait les débats et dit : « Ecoutez,  en ce qui me concerne j’ai été choisi, ce n’est donc pas pour faire changer la décision pour moi-même que j’interviens, mais pourquoi on n’y va pas tous ? » Acclamation. La fille reprend le micro et met la proposition au vote. Il est ainsi décidé que tous les volontaires  participeraient  à la délégation. Parallèlement  à cette dernière décision, j’avais remarqué que les décisions de rejet ou de choix des citoyens délégués étaient relativement influencées par une partie de l’assemblée dans laquelle se trouvaient les probables participants aux déprédations criminelles des biens publics dont les noires traces de fumée habillaient encore certains bâtiments officiels dans l’attente de leur disparition définitive.

 

Mais c’est là une autre question que l’on abordera plus tard. On peut cependant préciser que, contrairement à Tuzla, la question de la libération des manifestants embarqués est absente. Leur nombre est inconnu et aucun suivi de cette question n’apparaît. Ce qui est d’autant plus gênant que les journaux comme les échanges que j’ai eus évoquaient, sans précision, des descentes de flics chez des gens, en cours ou après les événements du 7 février.

 

Voilà donc quelque aspect pratique de ce qui, en l’état, ne peut pas réellement s’affirmer comme un contre-pouvoir, mais qui dans son rapport allergique à l’idée du politique se positionne comme une force de proposition pour corriger ce dernier.

 

 

 

Extrait de Retour de Bosnie, le 4 mars 2014. 

 

 

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