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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 01-02-2014 à 10:17:44

 

 

Hongrie : La tentation de l'Orient



Que le Premier ministre Viktor Orban ait confié, sans consultation, l’extension de la seule centrale nucléaire du pays à l’entreprise russe Rosatom provoque des remous en Hongrie. L’homme, qui se targue d’avoir fait déguerpir l’Armée rouge en 1989, vient de "nous faire asseoir sur les genoux de l’ours russe", fustige l’opposition de gauche, réclamant un référendum.

 

A droite de l’échiquier politique, la russophobie liée à l’occupation soviétique a laissé la place à une forme d’admiration pour la Russie de Vladimir Poutine : "L’Amérique, c’est elle la nouvelle Union soviétique", affirme par exemple le rédacteur en chef de l’hebdomadaire de droite "Magyar Demokrata".

 

"Le vent de l’est"

 

La diplomatie hongroise déploie, depuis de longs mois, des efforts considérables pour réaliser l’"ouverture à l’Est" prônée par Viktor Orban. Son objectif : renforcer ses liens avec les marchés émergents à l’Est pour doper son économie et réduire sa dépendance très forte aux pays de l’Union européenne (les trois quarts des exportations sont à destination des pays de l’UE et leur très grande majorité sont le fait de filiales d’entreprises d’Europe de l’Ouest).

 

Lundi, les membres d’un comité économique conjoint entre la Hongrie et la Corée du Sud se réunissaient pour la première fois ; mardi, le ministre des Affaires étrangères rencontrait son homologue kazakh, tandis que le secrétaire d’Etat aux Relations économiques extérieures se trouvait en Azerbaïdjan pour rencontrer le Premier ministre. Quant à Viktor Orban lui-même, il se rendra en Chine en février. Selon sa propre formule : "Nous naviguons sous pavillon européen, mais le vent souffle de l’est".


Européen, mais aussi "peuple semi-asiatique"

 

En arrière-plan de ce pragmatisme économique, des considérations d’ordre idéologique entrent aussi en ligne de compte. Pour la droite souverainiste au pouvoir, se rapprocher de Moscou, établir des liens avec les pays d’Asie, c’est aussi un moyen de réduire l’influence politique de Bruxelles en Hongrie et de s’allier avec des acteurs économiques moins susceptibles de s’ingérer dans les affaires hongroises, explique Attila Jakab, chercheur en histoire et en géopolitique. "Une des raisons pour lesquelles la Hongrie se tourne vers la Russie, la Chine, les pays du Golfe, c’est qu’eux ne s’intéressent à rien d’autre qu’à l’économie. Cette ouverture vers l’Est, c’est une arme pour exercer un chantage sur les institutions européennes", analyse-t-il.

L’identité hongroise est complexe et une frange nationaliste de la droite - qui mythifie les racines culturelles orientales du peuple hongrois - considère que le pays doit se repositionner stratégiquement, entre l’Est et l’Ouest. D’autant plus que, selon sa vision, l’Europe actuelle est vouée au déclin car elle renie ses racines chrétiennes et place le libéralisme et l’individualisme au-dessus des valeurs de la famille et de la nation.

 

Tout en valorisant l’identité profondément européenne de la Hongrie, le Premier ministre se plaît aussi à cultiver l’altérité du peuple hongrois, qu’il a même déjà qualifié d’"espèce à part" et de "peuple semi-asiatique". Le journaliste Attila Mong estime pour sa part que "Viktor Orban veut une démocratie différente, car il a réalisé que la majorité de la population se sent mieux dans un système un peu plus à l’Est qu’à l’Ouest". Cette grille de lecture permet de comprendre les évolutions récentes, tant critiquées à l’étranger : la mise en place d’un pouvoir vertical avec un Etat beaucoup plus centralisé et un rééquilibrage de la balance entre l’individu et la communauté nationale. De son côté, la population hongroise reste, malgré tout, majoritairement en faveur de l’Union européenne.



Source : lalibre.be, le 28 janvier 2014.