Il faut repenser le partenariat entre l'Europe et la Russie
Plutôt que de s’enfoncer dans les tranchées d’une nouvelle guerre froide avec la Russie, l’Europe ferait mieux de développer une relation constructive avec elle, écrit l’analyste en chef du Forum germano-russe, Alexander Rahr, dans une analyse retraçant les relations entre les deux pays depuis la chute du mur en 1989, il y a 25 ans.
La « perte de l’Ukraine au bénéfice de la Russie » a provoqué des cris d’orfraie au sein de l’Union européenne et de ses institutions et les stratèges de l’UE ont atteint les bornes de leur sagesse. Au début, l’UE voulait attirer les 6 pays proches de la Russie dans un « partenariat de l’Est » c’est-à-dire la Biélorussie, l’Ukraine, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Moldavie et la Géorgie. Seuls les deux derniers ont répondu favorablement, les autres ayant préféré rester avec la Russie. Le choix des Azéris de s’orienter vers la Russie est un important recul pour l’UE, qui souhaitait la construction d’un gazoduc non russe, le projet Nabucco. British Petrolium (BP) en a tiré les conclusions et a préféré se retirer du projet, au profit d’autres projets avec la Russie en Sibérie.
La seule stratégie qui reste à l’Europe, écrit Sahr, est le sabotage. L’UE préfère, par exemple poursuivre les gouvernements du sud de l’Europe en court pour contester leur partenariat avec la Russie dans le cadre du projet South Stream. Il s’agit ici d’une série d’entreprises conjointes avec la Russie, avec 50 des parts de chaque côté.
L’EU hurle que ces projets violent ses lois de libre-marché, sous prétexte qu’il n’y a pas séparation entre l’infrastructure et la distribution. (A l’image de sa politique d’imposer la séparation, comme dans le cas de la SNCF, de l’entretien des voies ferroviaires et des sociétés de transport de fret ou de passager soumises à la libre-concurrence. [1]) Ainsi Gazprom n’aurait pas le droit, selon les règles de Bruxelles, de produire du gaz et de le transporter dans ses propres gazoducs.
L’UE pourrait adopter une nouvelle vision et changer ses règles insensées, mais elle préfère demander à ses pays membres de modifier leurs lois et même leur constitution pour se soumettre à son idéologie dominatrice, tant vis-à-vis de l’intérieur que de l’extérieur.
Rahr doute que l’UE puisse réellement empêcher le gaz russe de transiter par le South Stream, une fois qu’il sera complété en 2015. Celui-ci reliera le port russe d’Anapa au port bulgare de Varna, situés de part et d’autre de la mer Noire, et distantes de 900 km.
Soulignant la mauvaise expérience qu’ont eu les Russes avec le libéralisme à outrance qui a ravagé le pays à la suite de la chute du mur, Rahr conseille au ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, de promouvoir des projets plus constructifs, comme celui d’une défense anti-missile conjointe entre l’Europe et la Russie, afin d’orienter les choses dans la bonne direction.
[1] Bien évidemment, lorsqu’il s’agit de séparer les banques de détail des banques d’investissement, l’UE ne voit aucun intérêt à protéger l’épargne de ses propres citoyens contre les risques associés au capital et à la spéculation.
Source : solidariteetprogres.org, le 3 janvier 2014.