Un ancien agent du KGB réputé proche de Vladimir Poutine élu au conseil d'administration de la principale banque de Chypre. Six mois après le plan de sauvetage à 10 milliards d'euros déployé par l'Union européenne (UE), la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), les Russes et leurs capitaux, soupçonnés par Paris et Berlin d'être blanchis dans «l'île casino», y ont conforté leurs positions.
Le plan d'assistance financière du petit État de la zone euro plombé par son secteur bancaire hypertrophié prévoyait la liquidation de la deuxième banque chypriote, la Laiki, et la restructuration de la première, la Bank of Cyprus. Les clients de cette dernière se sont vu imposer une perte de 47 % de leurs avoirs dépassant 100.000 euros. Du jamais vu dans un plan de sauvetage.
Les sommes ponctionnées ont été transformées en actions, afin de recapitaliser l'établissement. C'est ainsi que plusieurs gros clients russes sont devenus d'importants actionnaires de la Bank of Cyprus. La semaine dernière, ils ont renouvelé le conseil d'administration. Sur seize élus, six sont russes.
«Tant que le conseil d'administration poursuit la restructuration exigée par les créanciers (UE, BCE et FMI) et s'il reflète l'actionnariat, il n'y a pas de problème», commente un diplomate européen en poste sur l'île. Parmi les administrateurs russes de la Bank of Cyprus, figure Vladimir Strzhalkovsky, ancien du KGB comme le rapporte le Moscow Times, qui avait empoché un parachute doré de 100 millions de dollars fin 2012 en quittant la direction du géant minier Norilsk Nickel.
Crise à la banque centrale
Au printemps dernier, avant la mise en place d'un contrôle des changes et des mouvements de capitaux, les investisseurs russes avaient commencé à retirer leurs économies de Chypre. Mais selon un observateur, «le gros de leurs capitaux serait resté». Même si Nicosie s'est engagé à relever son taux d'impôt sur les sociétés, de 10 % à 12,5 % (le niveau de l'Irlande), l'île reste toujours fiscalement attractive. Jeudi, le ministre chypriote des Finances Harris Giorgiades a d'ailleurs participé à une rencontre avec des hommes d'affaires russes à Nicosie. À ses côtés, l'ambassadeur de Russie s'est déclaré convaincu que les capitaux russes resteraient dans l'île. Même après la levée du contrôle des capitaux, promise pour le début 2014.
Le renouvellement du conseil d'administration de la Bank of Cyprus a cependant déclenché une crise ouverte entre le président de la République et le gouverneur de la banque centrale. Nicos Anastasiades, le chef de l'État, reproche à la banque centrale d'avoir traîné pour confirmer les administrateurs, ainsi que pour restructurer la Bank of Cyprus. Il a réclamé la tête du gouverneur, que seule la Cour suprême peut démettre. Cette crise au sommet de l'État fragilise un peu plus l'île en cure d'austérité où le PIB est en recul de 5,9 % au deuxième trimestre en rythme annuel et où le chômage tutoie les 20 %.
Source : lefigaro.fr, le 20 septembre 2013