VEF Blog

Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 11-07-2013 à 17:05:20

 

 

Le mouvement anarchiste en Macédoine

 

 

 

[...]

 

Ici en Macédoine il existe très peu d'informations témoignant de l'activité des groupes et organisations anarchistes durant la période entre les deux guerres mondiales. Sincèrement, je ne dispose que de peu d'informations. Je sais que deux groupes anarchosyndicalistes ont existé dans la partie orientale de la Macédoine, mais je n'en sais guère plus. Comme je l'ai dit, un grand nombre d'anarchistes émigrent en Bulgarie, et la continuité du mouvement en Macédoine tend à disparaître, alors qu'elle se maintient en Bulgarie, en particulier après la formation de la Fédération des Anarcho-communistes de Bulgarie (1919). Après la Deuxième Guerre mondiale, un vide complet en ce qui concerne les idées et actions anarchistes se forme en Macédoine (qui devient alors une république fédérale au sein de la Yougoslavie). A ma connaissance, durant cette période (1945-1990), il n'existe pas une seule publication anarchiste écrite en macédonien. Il n'existe même pas un seul texte ou information établissant les actions d'un groupe quelconque, et j'ignore quel individu originaire de Macédoine aurait eu quelque chose à voir avec des activités anarchistes en Yougoslavie. Réellement les informations sur cette période sont rarissimes. 

 

Cela change après l'éclatement de la Yougoslavie, lorsqu'au milieu des années 90 éclot une activité perceptible dans ce secteur. Tout d'abord dans certains fanzines on aborde et évoque de plus en plus souvent l'anarchisme, puis cela s'ouvre progressivement à d'autres aspects. On ne peut toutefois pas parler d'action organisée. Je rappelle la situation politique dans la région au cours de la dernière décennie du 20ème siècle avec la désintégration de la Yougoslavie et les guerres : en Macédoine il n'y a pas eu de guerre et la Macédoine a été présentée à l'opinion internationale comme un "havre de paix", comme la seule république qui s'est séparée de la Yougoslavie de façon pacifique. Sauf que quelques années plus tard la situation change, preuve s'il en est qu'il ne s'agissait que d'une simple propagande construite à des fins politiques... Viennent le bombardement de la Serbie et l'intervention de l'OTAN au Kosovo en 1999, puis le conflit en Macédoine en 2001 entre les Albanais et les Macédoniens, véritable aboutissement de leur mutuelle animosité ethnique. Le conflit a duré quelque six mois et s'est achevé par les Accords d'Ohrid (sur ordre et injonction de la communauté internationale), qui ont garanti une meilleure participation des Albanais dans les institutions macédoniennes, ou si l'on veut une plus grande part du gâteau en termes de pouvoir. Mais en dépit de tous les discours conciliants, la division ethnique reste cruciale dans la définition des relations sociales et politiques en Macédoine. Au vu de tous ces aspects, il fallait logiquement s'attendre à ce que les anarchistes déploient une grande partie de leur activité dans cette direction et s'insèrent dans les courants opposés au militarisme, aux guerres et au nationalisme. Aussi, à cette époque (à la fin des années 90), plusieurs réseaux informels se développent-ils dans lesquels participent un certain nombre d'anarchistes, à savoir les réseaux AMAN, GAMA, Mirovna Akcija (lequel par la suite se transforme en un groupe formel qui existe encore de nos jours). Ces groupes publient des brochures, des tracts, des lettres d'information et montent des actions antiguerre.

 

 

Un groupe typique anarchiste qui s'agite et se détache à l'époque est le KSI (Kolektiv za slobodarsju ideju = le Collectif pour l'idée libertaire). Ils ont

traduit, publié et distribué un grand nombre de pamphlets et pendant plusieurs années ont publié la lettre d'information So glava niz zid dont la périodicité était de deux numéros par an. Les derniers numéros ont d'ailleurs pris le format de revues. Ils ont publié 8 numéros dont les derniers datent de 2003. Ce sont surtout des classiques anarchistes (Bakounine, Malatesta) qui furent traduits même si des apports théoriques plus récents font également partie du lot. Ils disent qu'à l'époque où le collectif oeuvrait, le nombre total de pamphlets distribués (avec tous les numéros des lettres d'information) s'élevait à 10.000 copies, ce qui pour l'époque (sans parler d'aujourd'hui) représente un chiffre conséquent. Pendant une courte période ils ont flirté avec l'anarcho-syndicalisme, en prévoyant de former une organisation formelle dotée d'un statut et d'un programme, mais rapidement ils ont laissé tomber. 

 

 

En 2000 est organisé le rassemblement anarchiste ex-Yu à Zelenkovac en Bosnie, qui devait en quelque sorte servir à rapprocher et coordonner les anarchistes de la région. Y participèrent différents membres anarchistes issus de groupes macédoniens (Skopje et Prilep). Toutefois il semble que le degré de développement inégal des mouvements basés dans les nouveaux pays et entités ainsi que l'immaturité et le manque d'expérience ont fait obstacle à une intégration et une coordination efficaces.  Des contacts n'en ont pas moins subsisté et maintenant que quelques années ont passé il existe quelques avancées dans ce sens. Ce rassemblement a servi de défoulement, à ce que les activités entre les groupes anarchistes en Macédoine s'entensifient, à ce que les débats et frictions s'accélèrent.

 

Il faut noter que les activités anarchistes au tournant du siècle sont principalement concentrées à Skopje et pendant quelque temps à Prilep. A cette époque il existe deux infoshops et des librairies qui servent de points de rencontre entre les différents groupes et individus de la mouvance libertaire. L'un apparaît d'abord à Skopje puis c'est à Prilep. 

 

Différentes activités sont mises au point, des discussions, des actions directes (principalement lors des élections des partis, contre les multinationales...). Il n'existe pourtant pas de présence massive dans les rues.

 

En 2003, à l'initiative des camarades de Salonique, un rassemblement anarchiste balkanique est organisé dans cette ville auquel participent des anarchistes macédoniens. Cette même année un sommet européen a lieu à proximité de Salonique et plusieurs anarchistes de Macédoine se joignent aux activités et manifestations. La même année, à Skopje, les manifestations contre la guerre en Irak s'intensifient, avec une présence notable d'anarchistes, tandis que les contacts avec les groupes de Bulgarie et de Grèce se resserrent. En 2004, un festival anarcho-féministe est organisé à Skopje auquel prennent part divers groupes et individus de la région et d'Europe.  

 

En 2003 Ploštad Sloboda démarre ses activités, la première tentative un peu sérieuse d'édition anarchiste. Ils ont sorti plusieurs brochures et pamphlets, et en 2004 les premiers livres anarchistes en macédonien. L'accent a été placé sur les textes et théories modernes dissonantes (Bob Black, Fredy Perlman, Hakim Bey, John Zerzan, Alfredo Bonanno, etc.). Mais après quelques années de travail ce projet s'est éteint. 

 

Il faut aussi signaler la page terror13, qui fournissait de l'actualité anarchiste et possédait des archives de textes en ligne. Ils ont réussi à tenir tout un temps, environ huit ans. Il y a deux ans, ils ont cessé de fonctionner (mais il semble que la page soit à nouveau active : http://www.teror13.anarhija.org, ,note de la rédaction).

 

Il existe donc une poussée de l'activité anarchiste qui dure jusqu'en 2005-2006, avant qu'elle ne s'essouffle et que l'on ne commence à sentir une certaine fatigue auprès du grand nombre ayant participé le plus directement au mouvement. Une fatigue et un désenchantement que l'on doit à l'échec de bâtir une solide base permettant de développer un mouvement anarchiste digne de ce nom. 

 

L'accalmie dure à peu près jusqu'en 2009-2010, lorsqu'un certain regain se ressent grâce à l'arrivée d'une nouvelle génération. 

 

Un groupe de l'époque qui se distingue est l'Anarhistički front, qui pendant tout un temps a dirigé un infoshop et une librairie, et a organisé le salon du livre anarchiste à Skopje en 2011. Ils se définissent comme étant un groupe anarcho-communiste. On notera qu'ils se décrivent comme l'aile anarchiste de l'organisation de gauche Lenka (lien) (au demeurant une organisation dûment enregistrée), choisissant d'être dans l'ombre et aux abords de la gauche (une vieille infirmité anarchiste). L'histoire et l'expérience montrent qu'à un moment donné cela amènera à une compromission des idées et luttes anarchistes. La génération précédente d'anarchistes macédoniens (en premier lieu ceux impliqués dans les projets Ploštad Sloboda et terror13) était bien plus ouverte aux nouveaux apports idéologiques et théoriques ainsi qu'aux courants au sein de l'anarchisme, insistant sur l'action et l'organisation des anarchistes en dehors de la gauche. 

 

Parmi les nouvelles activités je souhaiterais détacher le projet "AJDE" où l'on retrouve des anarchistes macédoniens et grecs et qui vise à :  „...to oppose the rhetoric that is being reproduced by the nationalistic euphoria connected with the 100 years anniversary since the “liberation” of Thessaloniki in Greece and the 100 years since the signing of the Bucharest Treaty in the Republic of Macedonia. Recently we set out, to the best of our abilities, a discussion concerning the political reading of history and deepening of theoretical issues such as the meaning of “nations”, the usage of national symbols and the role of nation-states in the framework of today’s capitalist crisis.“ (lien).

 

Note : il ne s'agit ici que d'une succincte description ne cherchant qu'à dresser un tableau général et à montrer qu'il existe aussi des idées et actions anarchistes dans cette partie du monde. 

 

 

 

Source : http://kontra-punkt.info/lektira/anarhisticki-pokret-u-makedoniji