Il y a de la nervosité dans l'air
Le journal Jutarnji list interroge la ministre croate des Affaires étrangères, Vesna Pusić, sur ce qui s'est dit au sommet de Washington.
La position de départ des USA, mais aussi de presque tous les membres de l’OTAN, était de ne pas débattre de l’élargissement lors de ce sommet. Cependant, avant même le début de la réunion nous avions estimé qu’il était nécessaire de dire quelque chose sur la poursuite du processus d’élargissement. Au niveau des ministres des Affaires étrangères a été organisée une réunion avec les pays qui aspirent à l’adhésion : le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et la Géorgie. Dans mon exposé j’ai averti que dans la région l’élection de Nikolić a induit une nouvelle situation ; que l’on ignore bien entendu quelles conséquences aura le changement de pouvoir en Serbie mais que cela exige à coup sûr que l’on aborde le thème de l’élargissement lors de cette session. La Croatie appuie l’idée de l’admission de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro et de la Macédoine dans l’OTAN parce que nous avons la certitude que cela contribuera à la stabilisation des relations et à la sécurité dans la région. Nous avons soutenu les progrès de la Géorgie mais il va de soi que nous avons porté l’accent sur les trois états qui nous sont proches. Nous estimons que l’adhésion du Monténégro ne saurait être mise en doute et qu’il a rempli toutes les conditions ; qu’il convient d’offrir une nouvelle occasion à la Macédoine qui a déjà été sur le point d’être admise dans le groupe ; et qu’il convient absolument d’activer le plan d’action que la Bosnie-Herzégovine a reçu lors de la session à Tallinn. Les principaux partis politiques en Bosnie-Herzégovine sont parvenus à un accord sur l’enregistrement des biens immobiliers militaires. Il est vrai que ces décisions doivent encore être actées par les institutions formelles de la Bosnie-Herzégovine, et appliquées par la suite, c’est-à-dire que ces propriétés soient enregistrées au nom des nouveaux propriétaires. L’accord politique atteint n’en est pas moins un premier pas important qu’il faut estimer. Si le but premier de l’OTAN est de renforcer la sécurité et la stabilité, alors il convient justement de prendre les initiatives qui contribuent à cette finalité.
Cela veut-il dire que pour la Croatie ces trois pays ont satisfait aux critères d’admission ?
Non. Ils sont dans des phases distingues de rapprochement en vue de l'adhésion, mais chacun dans son périmètre a accompli des progrès qu’il convient de noter et de faire suivre d’une action appropriée en les encourageant sur la voie de l’adhésion. Bien souvent on met sur un pied d’égalité l’UE et l’OTAN alors qu’il s’agit d’organisations tout à fait différentes. Pour être admis dans l’UE, vous devez remplir toute une série de conditions, or dans un processus de négociation on progresse dans la mesure où l’on satisfait aux critères. L’entrée dans l’OTAN se fait selon les principes de satisfaction des critères, mais aussi en vue de renforcer la stabilité et la sécurité sur un territoire défini.
Les conséquences pour la région
Dans notre région, notamment à cause du changement de pouvoir en Serbie, la question de la stabilité et de la sécurité revêt une importance particulière. C’est pourquoi nous avons insisté sur les débats concernant l’élargissement. La Secrétaire d’Etat Hillary Clinton et tout un ensemble de ministre des Affaires étrangères ont conclu au final que ceci était le dernier sommet sans élargissement.
Dans quelle mesure les élections en Serbie influeront-elles sur relations entre la Serbie et la Croatie ?
Etant donné qu’il s’agit d’un territoire relativement réduit qui au travers de l’histoire a été relié de diverses manières, il est clair que les événements dans un pays se reflètent sur tous les autres dans la région. Il est difficile pour l’instant de prévoir comment va évoluer la situation, mais l’on peut dire avec une bonne dose de certitude que le changement de pouvoir en Serbie aura une plus forte répercussion sur ses voisins que sur elle-même. La Serbie, du moins l’annonce-t-on, continuera son rapprochement vers l’UE ; la question est néanmoins de savoir comment le nouveau pouvoir va-t-il se comporter envers le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, mais aussi avec la Croatie. Les premières déclarations du président Nikolić au journaliste du FAZ sont assez choquantes et tout à fait inacceptables pour la Croatie*. La Croatie et la Serbie, si elles souhaitent le bien de leurs citoyens, doivent être en mesure de collaborer comme deux pays voisins. Pour ce faire, il est néanmoins nécessaire qu’existe la volonté et l’aptitude de part et d’autre. Peut-être faut-il encore attendre que les passions électorales retombent et qu’un nouveau pouvoir soit formé en Serbie.
Source : jutarnji.hr, le 27 mai 2012.
* A la question du journaliste du Frankfurter Allgemeine Zeitung qui lui demandait s’il savait qu’il existe plus de Serbes à Vukovar qu’il y a cinq ou dix ans et que les Croates, à la différence des Serbes, ne veulent pas retourner dans la ville, Nikolić a répondu : « Parce que Vukovar était une ville Serbe. Ils n’ont pas de raison d’y retourner ».
Avant de se lancer dans de nouvelles intrigues géo-politiques, Vesna Pusić a pris la peine de nettoyer les poussières de son bureau
Note : La conception de Vesna Pusić pour qu’un pays rejoigne l’OTAN transparaît clairement dans cette interview. En effet, le pays en question doit remplir une série de conditions techniques et lorsque c’est fait quelqu’un décide souverainement, et peut-être arbitrairement, que c’est bon.
Et la volonté des peuples dans tout ça ? Et bien Vesna s’en moque. Elle s’assit dessus et l’asphyxie comme un boa étouffe sa proie. Les gaz en plus.
C’est ainsi que la Croatie a elle-même rejoint l’OTAN sans aucun référendum qui était jugé superflu. Mais est-ce pour autant le sort inhibant que méritent les autres pays ?