« Et c’est cet homme qui voudrait gouverner le pays »
Le premier tour de la présidentielle se tiendra le 6 mai. Chef de l'opposition nationaliste serbe, le favori Tomislav Nikolic a changé son discours et se dit officiellement proeuropéen. Mais ses adversaires politiques ne se privent pas de rappeler ses anciennes diatribes contre l'Europe.
Tomislav Nikolic est allongé dans un canapé, une couverture
sur lui. La photo a été prise il y a un an, à l'époque où il faisait la grève
de la faim pour obtenir des élections anticipées. Sur une autre photo, il se
gratte le nez et a l'air encore plus ridicule. Sur la troisième, il est habillé
d'un tee-shirt à l'effigie de Vojislav Seselj [jugé à La Haye pour "crimes
de guerre"]. Les photos sont accompagnées par ses déclarations d'avant et
d'après la scission du Parti radical serbe (SRS) qui a abouti à la création du
Parti serbe du progrès (SNS, droite) en 2008.
"Et c'est cet homme qui veut gouverner la Serbie ?" soulignent les
tracts distribués par ses opposants, les militants du Parti démocrate (DS, au
pouvoir). Idem sur le petit écran, où ses anciennes déclarations belliqueuses
au sujet de l'Union européenne (UE), du tribunal de La Haye ou du Kosovo
défilent avec celles d'aujourd'hui affirmant que "la Serbie n'a pas
d'avenir sans l'UE". Le numéro deux du SNS, Aleksandar Vucic, a accusé le
DS de mener "la campagne la plus sale de l'histoire contemporaine".
Selon lui, le parti au pouvoir aurait investi 1,6 million d'euros dans des
clips contre Nikolic. "Pour voter, on a le choix entre la 'Serbie propre
de Nikolic' et la 'Serbie sale de Tadic'", poursuit-il.
Un scrutin serré
Bien que la plupart des analystes considèrent que les campagnes négatives
nuisent à celui qui les mène, les conseillers en communication du président
Boris Tadic ne partagent visiblement pas ce point de vue. En 2008, leur candidat
a gagné d'un cheveu contre Tomislav Nikolic. Or, cette année, la course à la
présidentielle est encore plus incertaine.
Dans ce contexte, les sondages sont peu fiables : la différence entre Tadic et
Nikolic n'est que de quelques points. Tadic est plus populaire que Nikolic,
mais le SNS est donné gagnant aux législatives [qui auront également lieu le 6
mai]. D'après les dernières estimations, Tadic engrangerait 31 % des voix,
Nikolic 28 % ; le SNS 27 % et le DS 24 %. Donc, la bataille pour chaque voix
s'annonce acharnée.
Bien que Belgrade soit tapissée d'affiches de Vojislav Seselj, les sondages
prévoient que son parti, le SRS, dirigé par sa femme Jadranka, pourrait à peine
franchir la barre des 5 %. Presque toutes les affiches électorales sont en
caractères cyrilliques, même celles du DS de Tadic, à l'exception du slogan : "Ils sont tous les mêmes",
du mouvement d'extrême droite Dveri, qui participe pour la première fois aux
élections. D'après les sondeurs, Dveri dépasserait, lui, les 5 %.
La bataille de la sécurité
Selon une étude récente, un tiers des jeunes de moins de 35 ans affichent des
tendances racistes et nationalistes. "Il est évident que les mouvements
extrémistes et la violence des ultras du foot ont bel et bien une base
sociale", avertit Djordje Vukovic, du Centre pour les élections libres et
la démocratie (Cesid). Ces trois dernières années ont été marquées par la
récession économique : la Serbie a perdu 400 000 emplois ; le salaire moyen est
de 370 euros, et la pension de retraite de 200 euros.
Les démocrates de Boris Tadic sont au pouvoir depuis la chute du régime de
Milosevic [en l'an 2000] et leur principal opposant, Tomislav Nikolic, gagne
facilement des voix en dénonçant la corruption des élites. Malgré le
mécontentement général, il n'est pas assuré pour autant de remporter la partie.
"En temps de crise, les gens optent avant tout pour la sécurité et la
stabilité", estime le sociologue Vladimir Vuletic. "Boris Tadic joue
cette carte. Tous ses messages se résument à faire croire qu'il est le seul à
pouvoir garantir la sécurité."
Source : courrierinternational.com, le 3 mai 2012.