VEF Blog

Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 30-04-2012 à 15:29:20


Parmi les mendiants les Roms sont les moins nombreux

 

Je suis certainement le seul député qui soit entré au Parlement tout droit venu du Pôle emploi, déclare Veljko Kajtazi, député de la minorité rome et de onze autres minorités, avec lequel nous évoquons la situation des Roms en Croatie

 

Si Kajtazi était sans emploi il n’était pas pour autant désoeuvré : il a rédigé 14 livres, a monté l’association pour l’éducation des Roms « Kalisara », a été collaborateur externe auprès du médiateur de la République, est devenu interprète assermenté pour le romani et il figure parmi les activistes roms les plus connus. Etant donné qu’il fut l’un des principaux karatékas dans l’ex-Yougoslavie et qu’il est détenteur de nombreuses médailles, on lui doit l’organisation d’une série de cours de karaté.

 

Comment a commencé votre engagement au sein de la minorité rome ?

 

Mon travail avec les Roms est le fruit du hasard. En 1998 j’ai commencé comme observateur, puis en 2002 j’ai fondé le club rom de karaté au travers duquel nous avons tenté au travers de nombreux séminaires d’éduquer les enfants et de les entraîner sur le bon chemin. Lorsque nous avons démarré avec les séminaires de romani, nous nous sommes aperçus que non seulement les enfants roms ne connaissent pas le croate mais qu’ils ne connaissent pas non plus le romani. Par la suite je me suis plongé dans l’élaboration d’un dictionnaire croato-romani, j’ai parcouru la Croatie et d’autres pays de la région pour réaliser une collecte de mots, ce qui s’est avéré difficile étant donné que la guerre avait également frappé les Roms qui furent poussés à fuir en grand nombre dans d’autres pays. Nous avons collecté 15.000 vocables, puis grâce au Département pour les sciences orientales de la Faculté de philosophie ainsi qu’aux professeurs Zdravko Matešić et Zoran Lapov nous l’avons ramené à 12.000 mots. Ce dictionnaire pourra également servir aux étudiants qui fréquenteront les futurs cours de romani à la Faculté de philosophie.

 

Une des questions qui anime la communauté rome est la définition du romani, beaucoup ont fait remarquer que les Roms en Croatie utilisent plusieurs dialectes.

 

Il existe dans le monde entre 23 et 25 millions de Roms, dont 13 à 15 millions en Europe. Dix-neuf millions au moins d’entre eux, d’après certaines estimations jusqu’à 90% de la population, comprennent le romani. Outre le romani il existe d’autres langues qui ne sont pas officielles mais qui sont utilisées par des groupes minoritaires maniant ces langues – les Manouches, les Sintés, les Kalés – qui ne se rattachent pas au romani. J’ajoute que l’alphabet du romani est latin. Autrefois nous avions 48 signes et à présent 37 pour les phonèmes particuliers dans notre langue. En plus du dictionnaire nous disposons d’une nouvelle édition de l’histoire de la littérature romani et nous avons pris l’initiative de célébrer la journée des Roms le 5 novembre. Elle vient s’ajouter aux déjà existantes Journée internationale des Roms et Journée internationale des Roms victimes de la Seconde guerre mondiale.

 

Quelle est la situation des Roms en Croatie sur le plan du financement de l’autonomie culturelle ?

 

Une partie des associations romes possèdent de bons programmes pour les manifestations culturelles et l’édition, mais je pense que nous sommes trop peu dotés, entre 1,2 et 1,3 millions de kunas. Pour partie cela tient à ce que certaines associations ne savent pas rédiger de bons programmes et de bons rapports sur les moyens financiers. C’est pourquoi en juillet, avec l’aide du Conseil pour les minorités romes, nous allons réaliser un séminaire éducatif afin d’expliquer précisément à nos compatriotes comment rédiger des programmes et des rapports. S’agissant de la célébration de la Journée internationale des Roms, nous avons reçu cette année pour la première fois des ressources significatives – 80.000 kunas, alors qu’auparavant nous recevions entre 10.000 et 20.000 kunas. Même si nous sommes de fait la minorité la plus nombreuse derrière les Serbes, puisqu’en réalité nous sommes plus de 40.000, ce sont environ 9.500 citoyens qui se déclarent Rom. Aussi recevons-nous peu d’argent. Je pense que l’année prochaine les ressources vont grossir. Surtout si l’on considère qu’à la différence d’autrui nous n’avons pas notre mère patrie pour nous financer.

 

Qu’avez-vous à dire sur les déclarations concernant les Roms comme celle qu’a faite le chef de la police d’Osijek-Baranja, Željko Prša ?

 

Les personnes haut placées qui recourent à de telles déclarations, je pourrais les appeler fomenteurs de haine et de ségrégation. En réalité il est difficile de parer aux attaques de personnes qui par leurs déclarations à tout le moins irréfléchies ruinent les efforts déjà entrepris pour établir la coexistence avec la communauté rome sur le territoire du Comitat d’Osijek-Baranja. Le plus facile est d’accuser les Roms, cela sans même offrir la moindre preuve concrète. Il aurait été plus intelligent de la part du chef de la police de demander l’opinion et l’aide auprès de l’un des représentants des Roms. J’ai parcouru tout le district et j’ai rencontré non seulement les Roms et leurs délégués, mais aussi les maires, les responsables communaux et les représentants des directions de la police. Personne n’a aussi directement et ouvertement imputé aux Roms les problèmes qui dérivent des activités criminelles et déclaré que la solution était de les expulser. Pour ce qui est des jeunes filles romes qu’une tenancière de commerce à Varaždin à refuser de prendre en stage, il est bon qu’elle ait été sanctionnée. Mais généralement parlant, la discrimination consiste à ce que cela fait vingt ans que je ne vois pas de Roms engagés dans les administrations de l’Etat à quelques exceptions près.

 

Que faire pour changer la perception publique des Roms en tant que mendiant, même si la plupart d’entre eux ne songent pas à mendier ?

 

La situation actuelle dans le pays est telle que tout le monde mendie et je peux confirmer que les Roms sont les moins nombreux. Au demeurant, dans mon enfance passée à Mitrovica au Kosovo, je ne me rappelle pas que les Roms mendiaient. Et s’ils le faisaient c’était alors en dehors de leur lieu d’habitation. En Croatie aussi les Roms de Zagreb et du nord-ouest sont les moins nombreux à mendier, ce sont surtout les Boyash venus de Roumanie.

 

Comment donc aider les Roms ?

 

Il faut permettre aux Roms de travailler et non pas leur fournir une aide quelconque, les laisser dormir à attendre que quelqu’un les réveille. Il convient d’enhardir les Roms et de les inclure dans ces processus, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent, en particulier lorsque tous résolvaient les problèmes à leur place et surtout pas eux pour eux-mêmes. A la différence de toutes les autres minorités nationales, les Roms ne possèdent pas d’institution centrale que pourrait financer l’Etat. Ils possèdent quelques organisations maîtresses mais elles n’agissent pas, notamment parce qu’à côté de quelques intérêts particuliers régnant au sein de notre communauté, certaines institutions de l’Etat s’appliquent à disperser les Roms. Le bureau pour les minorités nationales s’occupe de 21 autres minorités hormis les roms, et on les entend donc souvent dire qu’ils n’ont pas le temps de s’occuper des Roms et de résoudre leurs problèmes. Ce bureau travaille sur le programme national et les plans d’action mais c’est sans les Roms qu’il détermine qui fera quoi. Je dis donc : Ne nous traitez pas comme des moutons et laissez-nous choisir notre voie nous-mêmes.

 

Pour finir, il convient peut-être de rappeler que beaucoup d’activistes roms en Croatie proviennent de Serbie et de Macédoine.

 

Ne perdez pas de vue que les Roms de Serbie et de Macédoine, du moins avant la guerre, étaient les Roms les mieux éduqués en Europe. Souvent ils ont été les artisans de grands événements. Il leur était permis de terminer l’école et leurs études et de se faire embaucher. En Croatie nous n’avons pas cette chance d’embaucher les Roms éduqués et alphabétisés, à la différence de la Serbie et de la Macédoine où le taux d’emploi des Roms formés est bien supérieur à ce qu’il est en Croatie.

 

 

Source : novossti.com, le 26 avril 2012.