Un article de Mirjana Kasapović, de la Faculté des sciences politiques de Zagreb.
Mais qui est Mirjana Kasapović ? Selon mes observations, il s’agit d’une intellectuelle proche du Parti social-démocrate de Croatie. Elle écrit régulièrement des articles pour le Večernji list, qui est l’un des principaux journaux croates, lequel ne se différencie en rien par sa philosophie des autres titres de la presse locale tournée vers le sensationnalisme et l’abêtissement.
Le Parti social-démocrate quant à lui est considéré de centre-gauche tandis que son rival, le HDZ (désormais dans l’opposition), est un parti conservateur.
L’article que j’ai traduit n’est pas complet parce qu’il ne s’agit que d’un début publié dans la version numérique du journal, le reste étant publié dans le journal lui-même ou dans l’un de ses suppléments qu’il faut évidemment acheter, ce que je ne suis pas en mesure de faire ici à Namur en Belgique.
Néanmoins rien que le début de l’article montrera facilement au lecteur ce que signifie le centre-gauche en Croatie, (et accessoirement ce que signifie être « intellectuel » dans ce pays).
Kasapović : Il faut interdire les états-majors pour la défense des entreprises.
Ces quinze dernières années dans la vie économique et politique de la Croatie ont fonctionné des sortes de groupes d’intérêt comme il n’en existe nulle part au monde. Il s’agit des états-majors pour la défense de diverses entreprises et institutions privées et publiques. Ils sont constitués par les salariés qui s’organisent afin de défendre la simple survie de leurs entreprises ou la survie sous des conditions qui leur paraissent justes. « L’ennemi » qui les menace se manifeste sous deux formes : en tant qu’état et en tant que propriétaire privé.
L’état se manifeste comme « ennemi » dès lors qu’il tente de privatiser ou de mettre en faillite les entreprises dont il est le propriétaire intégral ou majoritaire, cela pour répondre à de longues années de mauvaises affaires et de « création de pertes ».
Aujourd’hui l’état est l’ennemi de Petrokemija de Kutina, du chantier naval « 3. Maj » de Rijeka, de Dalmacijavino de Split et du chantier naval à Kraljevica, et demain ce sera dans d’autres firmes. Les propriétaires privés sont l’ennemi lorsqu’ils tentent d’acheter une firme, lorsqu’ils tentent de la céder, lorsqu’ils veulent déposer son bilan ou lorsqu’ils veulent restructurer ses activités.
Aujourd’hui ils sont les ennemis des [entreprises] Div, Dioki, Bilokalnik et Jadrankamen, demain apparaîtra un nouveau visage et un nouveau nom. Dans ces cas-là et d’autres similaires la règle générale est que s’organisent de nouveaux états-majors de sauvegarde ou bien que se mobilisent d’anciens pour parer aux attaques ennemies des propriétaires publics ou privés contre ce qui est « nôtre ».
Tout et n’importe quoi
Il est difficile d’énumérer le nombre d’états-majors qui ont été créés jusqu’à présent et là où ils sont nés. Il y en a eu dans l’agriculture et dans l’industrie, dans les entreprises publiques et privées, sur le continent et sur le littoral. Ces derniers temps un des états-majors les plus anciens et les plus militants – l’état-major pour la défense de Petrokemija de Kutina, dont l’activité remonte aussi loin que 1998 – est à nouveau entré par la grande porte dans notre vie publique. A la moindre alerte que Petrokemija puisse être privatisé, cet état-major s’est activé pour faire savoir à tous que cela ne se fera pas contre sa volonté. Il estime son acte entièrement légitime parce qu’il est convaincu que l’intérêt stratégique de l’état est de posséder une usine d’engrais chimique.
Le socialisme a formellement disparu, mais la conscience socialiste que les « usines sont aux travailleurs et la terre aux paysans » a subsisté. Il ne faut donc pas s’étonner si chaque tentative de remettre en cause cette règle non écrite suscite une résistance. Or la forme la plus visible de résistance est justement les états-majors de défense.
Les états-majors de défense sont un phénomène tout à fait déviant dans la vie économique et politique du pays. Tout d’abord, il s’agit de groupes qui se sont formés en temps pacifiques, qui se sont organisés et se sont nommés comme si nous étions en guerre. Aussi bien « état-major » et « défense » relèvent conceptuellement et linguistiquement d’un état de guerre et non de paix. Ils sont directement empruntés à la pratique de la Guerre patriotique [la guerre d'indépendance croate, N.d.T.], lorsque quasiment chaque village et chaque ville possédaient leurs propres états-majors de défense contre les attaques de l’armée ennemie ou des paramilitaires locaux insurgés.
[Lisez le reste de l’analyse dans (le supplément) « Obzor » sous la version imprimée de Večernji list]
Source : vecernji.hr, le 7 avril 2012.
Comme je vous l’ai dit, je n’ai pas ce supplément mais le début de l’article me parait suffisamment clair. En Croatie, il faut nationaliser le dernier carré d’entreprises qui ne l’ont pas déjà étés. Le résultat de cette politique ? Pour ne pas vous encombrer avec des faits et des chiffres je n'en citerai que deux : 20% de chômeurs et une nouvelle classe de pauvres que sont les jeunes diplômés.