L'Amérique veut que nous dirigions la région et que nous maintenions la paix, dixit Vesna Pusić
La promesse française
Elle prépare un déplacement en Autriche, elle arrange la date des entretiens qu’elle doit mener avec le ministre turc des Affaires étrangères dans le but de ressusciter la trilatérale entre la Turquie, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie. Nous avons discuté avec Vesna Pusić samedi soir, après le congrès du HNS où elle vient d’être réélue vice-présidente du parti.
En France vous avez été reçue par le ministre des Affaires étrangères Alain
Juppé. Aux Etats-Unis une rencontre est prévue avec la secrétaire d’Etat
Hillary Clinton. De gros rendez-vous, des entretiens importants. Dans quel but,
avec quels messages ? :
Nos interlocuteurs français nous ont informés que compte tenu du processus électoral en cours dans ce pays la ratification du traité d’adhésion croate ne commencera qu’en automne, mais qu’il existe dans leur parlement un consensus positif concernant notre adhésion à l’UE. Que le ministre Juppé ait ressenti le besoin de nous le dire m’a paru un geste d’amitié appuyé.
Entretien avec madame Clinton ?
L’entretien avec la secrétaire d’Etat (Hillary) Clinton est très important pour la Croatie, en particulier parce qu’elle va venir moins de trois mois après que le nouveau Gouvernement eut commencé ses travaux. Bien entendu la Croatie n’est pas un partenaire sur le même pied que l’Amérique et ne peut se comporter de la sorte. Il existe toutefois certains thèmes qui intéressent les Etats-Unis et pour lesquels la Croatie peut offrir son partenariat. Il s’agit en premier lieu de notre région. La région intéresse l’Amérique, elle la juge importante et souhaite y disposer d'un partenaire apte à la comprendre, apte à comprendre la position américaine et les relations dans la région et qui ne mènerait pas une politique en nourrissant des arrière-pensées.
La visite devrait notamment servir à nos invités pour qu’ils évaluent si leurs attentes envers la Croatie sont réalistes, si la Croatie peut jouer dans la région le rôle de stabilisateur. Je pense que dans le processus d’intégration à l’UE nous avons maîtrisé certains éléments de la consolidation de l’Etat, ce qui me semble fort précieux comme expérience. Surtout au vu de l’instabilité traditionnelle de la région. Si en dépit de sa démocratie passablement branlante, la Croatie a trouvé en elle suffisamment de force pour ériger ses propres institutions, et si elle est prête à développer et à transmettre toute cette expérience à d'autres, cela peut être un instrument intéressant pour toute la région, voire au-delà.
J’inviterai madame Clinton à notre « Croatia Summit » de cette année que nous prévoyons justement de consacrer au partage des expériences croates en matière de consolidation d’un état moderne en période post-conflictuelle, ce que je considère utile non seulement en Europe du Sud-est mais aussi dans les pays de la Méditerranée du Sud, avant tout dans les pays du Maghreb. Nous nous attendons à ce que toute l’Afrique du Nord se joigne au « Croatia Summit ».
Source : jutarnji.hr, le 19 mars 2012.
Lettre ouverte de la rédaction du Balkanikum à Vesna Pusić
Nous, nous conseillons plutôt à Vesna Pusić de faire preuve de modestie et de ne pas vouloir se poser en modèle pour qui ce que soit. Quand on a trois années de récession derrière soi, quand aucun institut croate ni international ne prévoit un retour à la croissance (sur quelle base d'ailleurs ?), alors il est malvenu de se donner une telle importance.
Nous conseillons plutôt à Vesna Pusić de se concentrer sur les 4,2 millions d'habitants de la Croatie, dont la moitié sont à l'âge de la retraite. Là est le vrai défi. Le vrai défi n'est pas de pavoiser devant l'Amérique, voire la France.
Vesna Pusić devrait plutôt laisser les autres pays de la région suivre leur propre voie. Apparemment ils ne s'en sortent pas plus mal que la Croatie. Certains d'entre eux ont même compris qu'il faut bouger, que le monde est vaste, qu'il n'y a pas que l'Amérique et que dans la vie ce n'est pas en étant toujours fourré avec les mêmes qu'on progresse le plus.
"Aller chercher la croissance du bout des dents et ne pas attendre qu'une Amérique (en déclin) ne vienne vous déposer généreusement quelques miettes dans le bec", tel aurait dû être le thème du "Croatia Summit", selon nous.
Mais surtout nous conseillerions à Vesna Pusić de céder sa place à quelqu'un de plus jeune, quelqu'un qui n'est pas enfermé dans un écrin, qui a encore la plasticité d'esprit suffisante pour comprendre la dynamique du monde. Le nouveau, pas l'ancien.
Signé Balkanikumica de Zagreb