Mardi 21 février 2012 était célébrée la journée internationale de la langue maternelle (Dan maternjeg jezika). C’est la première fois qu’une célébration de cet événement était organisée à Tuzla à l’initiative d’une des enseignantes de bosnien de la ville.
A cette occasion, élèves, professeurs, associations de théâtres venant de différentes villes du canton se sont retrouvés dans une agence pédagogique de la ville de Tuzla pour célébrer cette journée. A travers des lectures de textes écrits par les jeunes, les représentations des jeunes membres d’une troupe de théâtre, l’exposition de travaux des enfants, était retracée l’histoire de la langue bosnienne, ses origines, les différentes influences subies par la langue de l’occupation slave à l’occupation par l’empire ottoman.
Le long des couloirs de l’agence pédagogique on pouvait apprécier une exposition faite par les enfants sur la langue, l’alphabet, son histoire, ses origines. Les jeunes avaient écrit des textes sur la langue, la force des mots. Les plus jeunes ont dessiné une lettre de l’ancien alphabet [1].
Une telle exposition prend tout son sens ici. Dans un pays où on parle bosnien, langue également appelée serbo-croate car de la Croatie à la Serbie en passant par la Bosnie c’est la même langue que l’on parle. Cette appellation de la langue, cette division entre « bosnien », « serbe », « croate » est uniquement de nature terminologique. Il s’agit bien d’une même et seule langue et pourtant si vous demandez à un Serbe quelle langue il parle il vous répondra serbe. Un Bosnien vous répondra qu’il parle bosnien. Un Croate vous répondra qu’il parle croate. A l’intérieur même de la Bosnie les bosno serbes disent qu’ils parlent serbes, les bosno croates qu’ils parlent croate et les bosniaques le bosnien. Ce « débat des mots » autour de la langue nous illustre bien à quel point les divisions restent marquées aujourd’hui encore.
« Avant on était un seul et même pays, avec la même langue mais maintenant les Croates disent qu’il parlent croates, les serbes disent qu’ils parlent serbes et nous on parle bosnien » me disait Adnan un de mes voisins peu de temps après notre rencontre. « Aujourd’hui je dis que je parle bosnien. Si tu passes la frontière et que tu te rends en Serbie les gens que tu rencontreras te diront qu’ils parlent serbe. Et pourtant c’est la même langue. Si je parle avec eux nous nous comprendrons sans difficultés ».
On parle de langue bosnienne, langue serbe et langue croate quand bien même il s’agit de la même langue. Ce qui n’est pas sans rappeler la récente polémique née fin janvier en Croatie. Le conseil des médias électroniques a ordonné aux chaînes croates de sous-titrés en « croate » tous les films serbes. Encore une façon de marquer des divisions qui n’ont pas lieu d’être...
[1] Le Bosančica, proche de l’alphabet cyrillique dont les premiers écrits datent du Xème siècle. Cet alphabet a été utilisé jusqu’au XIXème siècle