Retour au féodalisme
La société Agrokor a introduit une nouvelle devise en Croatie ! Les travailleurs de la société Dioki, qui depuis six mois n’ont pas reçu leur salaire, ont obtenu la semaine dernière des bons des magasins Konzum [détenus par Agrokor, N.d.T.]. Ces bons ont une valeur de 200 kunas. En Croatie nombreux sont les travailleurs qui ont commencé à recevoir une partie de leur salaire en « bons Konzum » depuis que leurs patrons pratiquent le troc avec Todorić, le patron de Konzum.
Certains ont cru qu’il s’agissait d’une donation de la part de Konzum, mais la société Agrokor a expliqué qu’elle avait compensé de la sorte des fournitures de matière plastique. Ce n’est pourtant pas la première fois que la kuna est remplacée par des « bons Konzum ». En effet, à la fin de l’année dernière, l’Eglise catholique avait versé 250.000 kunas à Todorić, une somme qui a été reconvertie en bons et ensuite distribuée aux travailleurs licenciés de l’aciérie de Sisak.
Dans cette transaction, l’évêché de Zagreb avait participé à hauteur de 150.000 kunas, l’évêché de Sisak à hauteur de 100.000 kunas et Agrokor avait « rajouté » 26.000 kunas. Lorsque les travailleurs ont dépensé leurs bons, l’argent est revenu dans la poche d’Agrokor.
« Je ne veux pas donner de l’argent à Todorić pour qu’il s’enrichisse »
Sur Internet sont apparues des petites annonces dans lesquelles les gens vendent leurs « bons Konzum » qu’utilisent leurs patrons en lieu et place du salaire. « J’ai déjà vendu mes bons mais vous pouvez me rappeler le mois suivant, car je toucherai à nouveau mon salaire de la sorte », nous a déclaré un « détenteur » révolté de « bons Konzum ».
« Je ne veux pas donner de l’argent à Todorić pour qu’il s’enrichisse », s'insurge un vendeur de bons qui nous a expliqué comment son patron profite de ces bons. Ce même patron qui lui a déclaré que « de toutes façons il peut acheter de tout chez Konzum ». « Il n'y a pas de doute que lui aussi y gagne avec ce troc », nous a confié le travailleur indigné qui fait remarquer qu’il ne peut pas payer ses factures avec des bons.
Il est illégal d’utiliser des bons pour payer des produits, service et salaires
La Banque nationale de Croatie (HNB) souligne que d’après la loi relative à la Banque centrale de Croatie, le seul moyen légal de payement en Croatie est la kuna et qu’il est illégal d’utiliser des bons pour payer des produits, services et salaires. Elle se réfère à l’article 28 de la loi relatif aux chèques où il est clairement stipulé dans quelle mesure on peut utiliser les bons.
« Il est interdit aux personnes morales et physiques d’émettre et d’utiliser des documents écrits (bons et autres), qui servent comme moyen pour payer des produits et services, pour verser les salaires et compenser des dépenses et autres droits matériels, dont l’émission et l’usage ne sont pas stipulés par la loi et autres réglementations en vertu du droit », indique par écrit la Banque nationale de Croatie.
D’après cette loi, les peines pour la violation de cet article vont de 20.000 à 200.000 kunas pour les personnes morales et physiques et de 2.000 à 20.000 kunas pour les personnes responsables au sein de la firme.
« Nous précisons que l’interprétation de la loi relative au chèque ainsi que la sanction de sa violation n’incombent pas à la Banque nationale de Croatie mais au Ministère des finances », indique la HNB.
Source : index.hr, le 27 février 2012.
Ci-dessus la propriété d'Ivica Todorić, patron d'Agrokor et de Konzum. Le château domine les hauteurs de Zagreb. Agrandi et réaménagé, il appartenait autrefois à un aristocrate.
Ci-dessous une vue du palais hébergeant la Conférence épiscopale croate. Ce palais revêtu d'onyx a été récemment bâti au plus fort de la crise et a été pour partie financé par le contribuable croate, quel que soit son orientation religieuse.
Croyez-vous qu'on a avancé d'un millimètre depuis le Moyen Âge ? Détrompez-vous, les seigneurs vivent dans des châteaux, l'Eglise habite des palais de pierre précieuse tandis qu'en bas le manant, attaché à sa glèbe, fournit des corvées rétribuées en vivres que lui dispensent les seigneurs en accord avec l'Eglise.
La seule différence éventuelle avec le Moyen Âge est qu'autrefois il y avait de temps en temps des jacqueries, durement réprimées, alors qu'aujourd'hui tout cela est accepté dans la plus grande résignation.