Lettre ouverte à mes lecteurs
Chers amis,
Il y a une semaine j’ai été comblée. Mon blog a alors été lu par un million de personnes. Il est évident que ce million ne pense pas toujours de la même façon que moi.
Je vais vous dire comment j’écris. Je fais la vaisselle ou alors je cuisine quelque chose, une idée me vient à l’esprit, je m’installe à l’ordi et en un quart d’heure, lorsque je m’y mets pour de bon, je ponds un article. En moyenne il est lu le premier jour par dix ou quinze mille lecteurs.
Lorsque j’ai écrit l’article sur ce que les yankees nous font à nous tous qui vivions en ex-Yougoslavie et que je l’ai intitulé « Au pays du sang et des crétins », je ne m’attendais pas à une audience particulière.
Selon moi, c’était cousu de fil blanc que quelqu’un avait investi onze millions de dollars (nous indique la presse) pour venir foutre la merde ici pour la énième fois. De mon côté, pour la énième fois, j’ai écrit ce que je pense des yankees.
Les yankees sont des fascistes. Milošević était leur élève, nullement un « Serbe ». Ma vieille thèse.
Les « Serbes » n’existent pas. Les « Bosniaques » n’existent pas. Les « Croates » n’existent pas. Ma très vieille thèse. Il existe des gens et des fauves.
Et je redis ma thèse de toujours. A Srebrenica les égorgements ne sont pas le fait des « Serbes ». Que vous le croyiez ou pas. Si les Européens et les Yankees avaient voulu empêcher le crime, ils auraient pu sans difficulté mettre une balle dans la nuque de Mladić et se débarrasser des autres exécuteurs. Mais rien de cela.
Parce que les Musulmans sont une gêne pour les Européens et les Yankees qui les exterminent comme des rats aux quatre coins du globe jour après jour. Ma très vieille thèse.
J’ai écrit des dizaines de textes sur ce thème. Sur la Libye, sur l’Afghanistan, sur l’Irak, sur l’Iran…
L’Europe n’autorisera pas les Turcs à entrer dans son giron parce qu’elle ne veut pas les voir se balader dans ses rues. Ca c’est la thèse de Chomsky, le plus grand philosophe vivant.
J’en reviens au début. Quand un beau soir d’ennui je me suis assise à l’ordi et que j’ai écrit un texte de plus sur mon sempiternel motif. Les yankees sont des fascistes, les yankees sont l’Hitler du XXIe siècle.
Ils ont expédié cette charitable anorexique qui ne voyage nulle part sans ses trente coiffeurs et maquilleurs en plus de sa marmaille rassemblée de bric et de broc dont s’occupe on ne sait qui. Elle, elle n’en serait pas capable quand bien même elle le voudrait.
C’est ainsi qu’une telle « maman » a reçu la mission de « mettre en scène » un film sur le viol durant « notre » guerre. Guerre qui sans « eux » n’aurait pas eu lieu.
Un article comme un autre, rien de particulier, je le répète, j’ai la haine contre les yankees jusqu’à ne plus en avoir la nausée. Il va sans dire que pour moi les « Yankees » sont ceux qui gouvernent l’Amérique, pas les malheureux qui vivent encore plus mal que moi.
Je l’ai rédigé et j’ai inséré une photo pour que tout le monde comprenne où je voulais en venir… jusqu’à ce que… Bon sang ! Voilà-ti-pas que 70.000 personnes l’ont lu en un seul jour.
J’en ai été retournée. La quantité n’est pas le signe de la réussite. Plusieurs centaines de commentaires ?! Avec la meilleure volonté du monde je n’ai pas pu les lire tous mais j’ai tôt fait de comprendre.
Pour certains je suis une femme qui raffole des « Serbes », qui les aiment même quand ils violent des femmes bosniaques ; pour d’autres une monstrueuse incapable de comprendre ce que ressentent les femmes violées.
Cette lettre, vous qui pensez que j’aime les violeurs serbes, alors que je ne les aime ni croate ni musulman ni italien…, vous ne devez pas la prendre comme une excuse. Comprenez-là comme l’horreur d’une rédactrice qui pense écrire avec clarté.
Comme l’horreur d’un être humain qui a compris qu’il faut si peu aux habitants de nos régions (qui depuis vingt ans ne sont plus « nôtres »), pour qu’un écrit suffise à les tourner les uns contre les autres, ivres de colère et de haine.
Les Yankees et les Européens ont transformé notre patrie en leur base militaire, en leurs ports maritimes pour y expurger les navires américains empestés d’uranium appauvri… en un réservoir où puiser nos jeunes pour qu’ils aillent répandre leur démocratie.
Ils y sont parvenus. Aujourd’hui nos jeunes meurent loin de Sarajevo et de Belgrade, loin de Zagreb et de Ljubljana, et ils tiennent les bites des yankees pour qu’ils canardent de leur jet les « Talibans ». Vous avez vu les photos ?
Tout ce que nous croyons posséder appartient aux banques étrangères. Les bombes américaines à l’uranium appauvri nous ont tué nous qui chancelons encore dans ces régions, et tous ceux qui suivront, et leurs enfants et leurs petits-enfants…
L’air, la terre, les lacs, les montagnes, les vallées, la mer adriatique…. Le crabe, le crabe, le crabe…
Ensuite vient la Grande Maman avec son pauvre navet sur la terrible tragédie, qui est le fruit de sa patrie à elle, puis je me lance dans un entrefilet, et voilà qu’on se remet à se massacrer, par chance « uniquement » par Internet interposé.
Pourquoi sommes-nous incapables de voir la manipulation ? Pourquoi certains doivent-ils traverser le monde les yeux fermés ?
Je voudrais que mes lecteurs reconnaissent en moi un être humain dont le cœur est ouvert envers autrui quelle que soit sa religion ou sa nation.
Visiblement en pure perte. Ils vous ont divisé. Vous. Moi pas. Moi je ne suis pas une Croate ni une Serbe ni une Bosniaque ni une Macédonienne ni une Albanaise ni une Slovène. Moi je suis un être humain qui se fait fort, pour parler comme Ćiro Blažević, d’écrire avec clarté.
Tous ceux qui m’ont compris de travers, je leur dis, mes amis, tirez votre plan. Ce qui ne veut certainement pas dire que je n’ai pas de plaisir à ce que vous lisiez mon blog. Je vous comprends. Vous êtes malheureux, autant pour moi et tous ceux qui pensent comme moi.
Il existe néanmoins une différence entre moi et vous qui ne me comprenez pas. Vous pensez que vos Bosniaques et vos Serbes ainsi que « nos » Croates ont été violés par les amis de la veille et par les voisins de toujours.
Pour ma part je pense que moi et les miens, de même que vous-mêmes, on s’est fait mettre par les types de l’autre côté de l’Atlantique et par leurs alliés. Vos chers amis et les miens n’ont jamais été que des instruments.
Et eux continuent de nous mettre.
Mais qu’on se console. On n’est pas les seuls. Bientôt l’Iran va sauter en l’air. Là-bas, les petits gars de nos ex-républiques et ex-provinces iront violenter en un seul élan au nom de l’Amérique, alors on sera à nouveau frères. Dans le viol.
Je vous salue de tout cœur où que vous soyez, et merci pour votre lecture
Vedrana Rudan, une millionnaire.