Titre du blog : Balkanikum Auteur : Balkanikum Date de création : 14-08-2008
posté le 09-07-2011 à 16:09:10
Déferlantes rock et électro dans le dédale d'Exit
Restée inviolée depuis sa construction par l'Empire austro-hongrois, au milieu du XVIIIe siècle, la monumentale forteresse de Petrovaradin est livrée chaque été, depuis 2001, à de sympathiques hordes d'hédonistes rock et électro, venues de toute l'Europe témoigner du succès exponentiel du festival Exit.
Du 7 au 10 juillet, près de 200 000 spectateurs étaient ainsi attendus dans la ville de Novi Sad, dans le nord de la Serbie, à l'intérieur de ses remparts surplombant le Danube, pour passer des nuits blanches à l'écoute d'environ 400 groupes et DJ et participer plus ou moins consciemment à la restauration de l'image du pays, un des chevaux de bataille d'organisateurs pour lesquels ce gigantisme est aussi un activisme.
Si les pays de l'ancien bloc communiste se révèlent des terres de plus en plus fertiles en festivals - les Hongrois du Sziget, à Budapest, les Polonais du Open'er, à Gdynia, les Slovaques de Pohoda, à Letisko, etc. -, Exit possède, avec sa forteresse, un atout majeur pour accroître sa réputation. Pour échapper peut-être aux insolations (l'été, les moyennes au-dessus de 35 oC ne sont pas rares), les festivités ne commencent que vers 20 heures, pour durer jusqu'à l'aube. Il faut de bonnes jambes pour accéder à une enceinte vite subjuguante. A gauche de l'entrée, l'esplanade de la grande scène accueillant les pointures anglo-saxonnes (Arcade Fire, Editors, Jamiroquai, Portishead, Nick Cave, etc.). Sur la droite, des ruelles pavées serpentent dans un fascinant labyrinthe de tunnels, ponts, surplombs et chemins de ronde débouchant, au sommet de la construction, sur une sorte de petit village formé par les beaux bâtiments de l'ancienne garnison.
Dans cet enchevêtrement de plusieurs niveaux, on découvre une vingtaine de petites scènes montées dans le moindre recoin des contreforts ou angles de rempart. Au détour d'un tunnel, voici la scène latino, où un groupe enseigne la salsa. En contrebas, Downstroy hurle un trash métal serbe sur la bien nommée scène Explosive. Cela ne dérange pas les danseurs du chapiteau Silent Disco, un casque audio sur les oreilles, synchronisé à distance. Plus haut, les fans de reggae se prélassent sur une pelouse aux sons des DJ jamaïcains de la scène Positive Vibration, non loin de la Fusion Stage, où pétarade le punk-ska macédonien des Superhiks.
On se perd parfois et on s'épuise dans ce dédale, longé aussi de stands de nourriture, d'associations caritatives ou politiques. On s'y repose aussi dans les multiples espaces chill-out (de repos) disposés, par exemple, sur des terrasses aux vues spectaculaires sur Novi Sad et le Danube.
On peut y voir les trois ponts enjambant le fleuve. Reconstruits après leur destruction, en 1999, par les frappes de l'OTAN, ils ont quasiment le même âge que le festival et partagent avec lui la symbolique d'un nouveau départ. En se baptisant Exit ("sortie" en français), le festival, fondé en 2000, entendait montrer la porte aux dérives nationalistes qui avaient conduit la Serbie à la catastrophe. Tout commence avec des étudiants contestataires prenant l'initiative d'une manifestation culturelle, sociale et politique de cent jours, se terminant la veille d'élections qui allaient mettre fin au régime de Milosevic. "Nous avons ensuite voulu créer un autre événement surfant sur cet optimisme, porté par une jeunesse qui se trouvait pour beaucoup à l'origine des changements", explique Bojan Boskovic, un des responsables et fondateurs.
Dès sa première édition, en 2001, le festival s'installe dans la forteresse de Petrovaradin. Pour ces militants de l'intégration de la Serbie dans l'Union européenne, le choix de l'esthétique rock et électro se voulait politique autant que commercial, dans un pays longtemps dominé par les chanteurs "turbo folk", décorant les musiques traditionnelles de synthétiseurs en faisant souvent l'apologie du nationalisme.
Dans une région, la Voïvodine, réputée pour son opposition à Milosevic et son multiculturalisme, ce festival, accueillant dès le départ des artistes anglo-saxons, des groupes serbes, mais aussi croates ou albanais, prend rapidement de l'ampleur. Parfois dans l'adversité : emprisonnement et grève de la faim des organisateurs en 2004, annulation d'un concert-anniversaire des 10 ans du massacre de Srebrenica, pour cause de menaces de hooligans.
Exit n'en devient pas moins un des moteurs essentiels de l'économie de Novi Sad et de sa région. En particulier grâce à ses 50 % de clientèle étrangère, dont 20 000 Britanniques, séduits par la programmation, l'ambiance, le prix des billets (100 euros environ le forfait de quatre jours pour les étrangers, de 40 à 70 euros pour les Serbes) et le coût de la vie locale.
"C'est un peu comme le festival de Reading, sans la pluie et bien meilleur marché, rigole Matt, un Londonien de 20 ans, qui vient pour la première fois. Après le festival, on partira se balader en Croatie avec mes copains." La veille, pour la soirée d'ouverture, il attendait beaucoup d'Arcade Fire et de Pulp. Ils ne l'ont pas déçu. Après un impressionnant feu d'artifice, ces icônes de la brit-pop des années 1990 ont fêté leur récente reformation en alignant un florilège des morceaux tendres et sarcastiques qui ont fait leur gloire (essentiellement au Royaume-Uni), mené par le chanteur Jarvis Cocker, capable de tortiller son corps d'asperge et son ironie comme au premier jour.
Sur le coup de 2 h 30 du matin, la masse du public convergeait vers la vaste Dance Arena, construite au pied d'autres remparts. Après un apéritif rock, locaux et touristes terminaient la nuit dans une orgie d'électro.