Les réserves de change de l'Algérie placées à perte aux Etats-Unis
L'Algérie doit-elle encore placer l'essentiel de ses réserves de change – 155 milliards de dollars à la fin 2010 – en bons du Trésor américain ? De nombreux spécialistes ont déjà répondu par la négative mais les performances actuelles de ces bons révèlent chaque jour un peu plus l'erreur que font les autorités en persistant dans cette stratégie de placement. Si c'était une bonne stratégie il y a quelques années, aujourd'hui les résultats montrent que ces placements n'ont plus une rentabilité optimale.
Ainsi, le rendement « réel » – indexé sur l'inflation – des obligations du Trésor américain ne cesse de décroître tendanciellement (de 10 % au milieu des années 80 à moins de 4 % en 2000). Il a même été négatif au plus fort de la crise économique mondiale entre 2008 et 2009 (-2 %). Après une reprise en 2009 (+6 %), ce rendement est reparti à la baisse à partir de 2010. Aujourd'hui, il est tout simplement égal à zéro (voire le graphe du 31 mai sur l’image). Concrètement, cela signifie que les placements dans ces bons du Trésor américain ne rapportent rien ou plus grand chose aujourd'hui à l'Algérie.
Les gouvernements successifs ont joué la prudence à outrance et n'ont en fait pas adapté leur stratégie de placement aux évolutions du contexte financier mondial. Ainsi, avec la crise, la note de triple A (la meilleure) des bons du Trésor américain est menacée d'être revue à la baisse d'ici la fin de l'été à cause de l'endettement record des États‑Unis. En réponse, plusieurs créanciers des Américains – surtout les privés – ont commencé à reporter leurs placements sur le marché de l'or, bien plus sûr. Mais pas l'Algérie.
Pourtant, de nombreux économistes et spécialistes de la finance ont alerté le gouvernement sur ce risque du mono‑placement et ont plaidé pour une stratégie plus diversifiée, comme par exemple la création d’un fonds souverain. C'est ce qu'ont fait la majorité des autres pays exportateurs de pétrole et les résultats leur ont donné raison. Ils ont multiplié les investissements et les placements à l'étranger. Ils ont ainsi à la fois diversifié leurs ressources financières et se sont construit des portefeuilles de participations dans de grands groupes internationaux.
Cette stratégie algérienne est d'autant plus critiquable qu'elle semble plus être le fait du prince que le fruit d'une véritable concertation. La politique de gestion des réserves reste opaque. La répartition des placements est inconnue dans le détail et leurs performances annuelles ne sont jamais communiquées par le gouvernement. La gestion des réserves ne fait jamais l'objet de débat au sein du Parlement alors que cette ressource financière pourrait s'avérer essentielle dans l'avenir avec la baisse inexorable des revenus tirés des hydrocarbures.
Début 2010, il y a bien eu – une première ! – un désaccord public entre Abdelhamid Temmar et Karim Djoudi, le premier souhaitant qu'une partie des réserves soit utilisée pour financer des investissements dans le pays, le deuxième plaidant pour le statu quo. Le débat a fait long feu et Temmar a perdu deux mois plus tard le portefeuille de l'Industrie pour un ministère mineur de la Prospective et des statistiques. Et depuis, le sujet n'a plus jamais été abordé. Mais au moment où on parle d'ouverture politique, il serait peut-être temps de mettre aussi sur le tapis la question de la transparence de la gestion économique des réserves.
Source : tsa-algerie.com, le 5 juin 2011.