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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 08-05-2011 à 00:07:05

Collectif Grubb
 
La discrimination au quotidien
 

Belgrade - «C’est lourd. C’est très difficile d’être toujours vu comme un Rom», dit Ibrahim, principal chanteur de GRUBB, en parlant de la discrimination subie en Serbie. Calme malgré tout, Ibrahim aurait bien des raisons d’être en colère.

Comme bien des jeunes roms ne souffrant d’aucun retard cognitif, mais qui maîtrisent mal le serbe et qui vivent dans la pauvreté, il a été placé dès le début de sa scolarisation dans une école primaire dite «spéciale», c’est-à-dire pour enfants ayant une déficience intellectuelle. Mal à l’aise dans cet environnement, il a abandonné l’école vers 12 ans.

Mais grâce au projet de RPoint, cet homme de 19 ans est retourné sur les bancs d’école et il complétera sa formation primaire dans quelques semaines.

Même si son apparence est impeccable, Ibrahim vit dans l’extrême pauvreté à Belgrade. Sa famille habite dans une maison faite de carton, de plastique et de bois dans un petit bidonville rom, sans collecte d’ordure, ni eau courante. Le pire, c’est que son quartier doit être rayé de la carte à la fin mai pour faire place à des immeubles.

«Mais on a peu à peu construit une maison avec mon père ailleurs, légalement, explique Ibrahim. Le toit et les murs sont complétés, mais nous n’avons, pour le moment, pas assez d’argent pour la terminer. Malgré tout, on ira là lorsqu’on se fera expulser.» Certains de ses voisins n’ont pas ce luxe. Ils devront se construire une cabane dans un autre terrain vague, peut-être sous un pont ou près d’une usine désaffectée... en attendant la prochaine expulsion.

Comme tous les jeunes roms, Ibrahim a été soumis à des insultes dans la rue, à des regards de méfiance de la part de nombreux Serbes. «Cela m’a rendu très agressif. J’étais devenu une petite peste», se remémore-t-il.

La violence est un phénomène que connaissent bien les jeunes roms. Datcho l’a vécue à l’école. Après avoir répondu à des insultes raciales d’un autre élève, il a dû se battre. Toutefois, il ne s’attendait pas à ce que la classe au complet lui saute dessus!

Découragé par cet incident, il a voulu décrocher, même s’il obtenait de très bonnes notes. «Mes parents ne voulaient pas que j’abandonne, et c’est finalement une enseignante en pleurs qui m’a convaincu de rester», dit-il. «J’étais le seul gitan de ma classe. Mais par la suite, les choses se sont bien déroulées.»


L’éducation, un défi

En plus d’un système d’éducation peu accueillant, les Roms doivent aussi combattre leurs propres démons pour faire en sorte que leurs jeunes n’abandonnent pas l’école avant l’âge de 15 ans.

«Les parents ne veulent pas envoyer les enfants trop longtemps à l’école, parce qu’ils veulent qu’ils travaillent pour ramener des sous à la maison. Il faut parler d’indépendance économique pour les convaincre», explique Refika Mustafic, une enseignante qui a créé un centre d’aide aux devoirs pour des Roms à Nich.

«Le problème est plus sérieux chez les filles. Les parents veulent les marier jeunes, souvent vers 16 ans et ils ont peur de perdre le contrôle si elles fréquentent l’école», ajoute-t-elle.

Nenad Vladisavljev, travailleur social qui a longtemps représenté l’Association des étudiants roms de Serbie souligne toutefois que des pas de géant ont été accomplis: «En 2000, il y avait une vingtaine de Roms fréquentant l’université dans tout le pays. Aujourd’hui, ils sont 200.»

Une fois éduqué, faut-il encore trouver un emploi, une tâche qui relève de l’exploit pour les Roms de Serbie. Avec la chute du communisme, leurs conditions sont devenues exécrables en raison de la situation économique catastrophique dans ce pays bombardé par l’OTAN en 1999, mais aussi à cause de la montée de l’extrême droite et de l’ultra nationalisme.

Dans ce contexte, les Serbes sont réticents à embaucher des Tsiganes.

«Un boulanger était prêt à engager des Roms que nous avions aidé à former, mais seulement pour la nuit, parce qu’il disait que ses clients allaient le boycotter s’ils les voyaient», dit Danilo Matijevic, coordonnateur de l’ONG RPoint.

Devant cet état de fait, les Roms haussent les épaules. S’effacer, ne pas faire de vague, c’est pour eux une question de survie.


Source : canoe.com, le 7 mai 2011.

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