Jugeant que la Révolution arabe dans son ensemble est décidément trop dangereuse, les Occidentaux sont en train de retirer petit à petit leur appui aux insurgés libyens, et cela sous les prétextes les plus fallacieux.
Par conséquent en prenant le contre pied des analyses gauchistes et altermondialistes, mon analyse du conflit libyen était meilleure que ce qui nous est généralement proposé.
Je m'excuse de ce manque total de modestie, mais il s'avère que j'ai eu raison contre tous. Néanmoins je n'ai pas d'analyse claire de ce qui se passe, ni n'en ai les moyens. Ce qu'il faut retenir de tout ceci est que nous manquons cruellement d'intellectuels de pointure capables de nous éclairer sur ce qui se passe.
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Ici je me borne à noter quelques faits que l'on perd de vue, ce qui trouble les analyses :
Ce dernier fait est certainement le plus troublant. A lui seul il montre qu'il faut revoir entièrement notre grille de lecture des événements à l'échelle mondiale. En fait, les événements en Libye nous montrent que toute la structure des rapports de force mondiaux traditionnels est soumise à de violentes distorsions.
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Enfin je conclus par un article avec des faits :
L'exaspération des Israéliens est à son comble. Depuis Gaza, les missiles du Hamas sont capables d'atteindre Tel-Aviv.
Les guerres civiles qui s'éternisent en Libye et en Côte d'Ivoire, les éruptions qui peinent à déboucher sur des changements au Yémen et en Syrie, ont temporairement relégué au second plan un conflit latent, bien plus grave par ses conséquences : la guerre qui couve entre Israël et le Hamas palestinien agissant en faux nez de l'Iran. Car depuis quelques semaines, une situation nouvelle existe, conséquence des bouleversements intervenus en Égypte.
Avec le renversement de Moubarak, Israël et l'autorité palestinienne de Mahmud Abbas ont vu revenir dans les allées du pouvoir, au Caire, des gens qui ne leur sont guère favorables. Ainsi les autorités égyptiennes ont-elles fermé les yeux cette semaine sur une rencontre entre un dignitaire du Hamas et un envoyé spécial de Téhéran. Un rendez-vous quasi officiel, impensable il y a quelques mois.
Opération israélienne
C'est dans cette ambiance de tension de nouveau exacerbée que s'est produit, mardi 5, au Soudan, un événement qui n'a fait que quelques lignes dans la presse et qui constitue pourtant à la fois une opération militaire d'une précision étonnante et un signal d'alarme directement adressé à l'Iran : ce matin-là, à une dizaine de kilomètres de l'aéroport de Port-Soudan, sur la mer Rouge, quatre grosses voitures noires roulent à vive allure vers la ville. Soudain, venu d'on ne sait où, mais sans doute d'un avion ou d'un drone, un missile vient frapper l'un des quatre véhicules. Or, non seulement celui-ci est détruit par le tir, mais il explose en un spectaculaire feu d'artifice. Une déflagration qui ne peut s'expliquer que par la présence à son bord d'une quantité importante de munitions. Les trois autres voitures continuent leur course vers Port-Soudan, sans demander leur reste.
Pour tous les experts de la guerre secrète, il est clair que le tir, probablement guidé par un bateau au large des côtes soudanaises, était parfaitement ciblé sur le véhicule qui contenait des munitions et sans doute des missiles. Et il est tout aussi évident pour eux que cette opération, exécutée avec une remarquable précision est l'oeuvre des Israéliens.
18 Palestiniens tués
D'ailleurs, si, le lendemain, Tsahal et le Mossad refuseront de commenter l'incident, la presse israélienne fera des titres sur la mort d'un chef du Hamas dans une opération destinée à montrer que Jérusalem n'acceptera jamais le trafic d'armes entre l'Iran et le mouvement qui a la maîtrise de Gaza.
Le mois dernier, l'arraisonnement par les commandos marines israéliens d'un cargo battant pavillon panaméen qui faisait route vers Port-Soudan, avec 50 tonnes d'armes dans ses cales, avait confirmé la filière dont on connaissait déjà les principales étapes : les armes sont embarquées dans le port iranien de Bandar Abbas, destination le Soudan. De là, une noria de camions les achemine vers le Sinaï où les tribus bédouines se sont trouvé un business beaucoup plus rentable que celui de l'élevage des moutons : les tunnels par lesquels on fait passer vers la bande de Gaza toutes sortes de marchandises de contrebande. Et de plus en plus d'armes et, en particulier, de roquettes. De plus en plus performantes et sophistiquées et capables d'atteindre Tel-Aviv. Des engins comme les quelque 70 qui ont été tirés sur Israël depuis trois jours. Et dont le premier avait atteint un autobus scolaire israélien. Provoquant des ripostes ciblées et quasi immédiates qui ont tué 18 Palestiniens.
Lors d'une récente réunion avec ses chefs militaires dans la Situation Room de la Maison-Blanche où il était en principe question de la Libye, Barack Obama aurait dit que la vraie préoccupation du moment était moins le renversement de Kadhafi que la façon d'éviter que tout le Proche-Orient ne s'embrase à la suite d'un dérapage entre Israël et l'Iran par Hamas interposé. On n'en est pas loin.
Source : lepoint.fr, le 10 avril 2011.