La gérontocroatie et l'eurocratie sont deux agents qui ont fini par coaguler pour former un caillot qui étouffe l'économie croate
Pour les Croates il existe certes un processus d'adhésion de la Croatie à l'UE, en revanche ils seraient bien en peine de vous dire où est le processus de négociation. Et ça se comprend.
Mais reprenons les choses dans l'ordre pour essayer de voir ce qui s'est passé. Lorsque les différents pays européens qui ne faisaient pas partie du noyau initial ont négocié leur entrée dans l'UE chacun était doté d'un gouvernement chargé de négocier cette entrée. Jusqu'ici rien d'anormal.
Par exemple l'Angleterre, l'Espagne ou même la Grèce ont chacun eu différents gouvernements qui pendant le processus d'adhésion à l'UE ont négocié le paquet de mesures à adopter selon un processus de négociation classique.
Par négociation classique il faut entendre que d'un côté il y a le gouvernement national qui défend les intérêts du pays et de l'autre l'UE qui défend les intérêts de la communauté européenne dans son ensemble. Cette négociation entre deux partenaires se fait selon un processus classique et n'a rien d'extraordinaire qui la rendrait différente voire mythique. C'est-à-dire que chaque partenaire négocie sur chaque point particulier et marque son accord lorqu'il estime qu'il a obtenu une satisfaction suffisante tout en étant conscient que ses chances d'obtenir une satisfaction absolue ne sont pas réalistes. Lorsque l'ensemble des points particuliers ont fait l'objet d'un accord, les deux partenaires peuvent signer le document final.
Or la particularité de la Croatie est que le gouvernement croate et l'UE jouent la même partie. Au fil du temps les deux n'ont fini par ne plus faire qu'un seul partenaire. Les deux ont donc fusionné. Ou pour être plus exact le gouvernement croate, dans ce cas-ci le fameux HDZ, a fini par ne plus être qu'une simple extension de l'eurocratie, son bras prolongé.
C'est la raison qui a amené les Croates a descendre par milliers dans les rues depuis plusieurs semaines ou bien a ouvrir des dizaines de pages Facebook où se retrouvent des dizaines de milliers de personnes qui déposent leur contribution personnelle pour demander le départ de ce gouvernement dans lequel ils n'ont plus confiance.
Et il est vrai que jamais un gouvernement chargé de mener le processus d'adhésion n'a été aussi contesté que ne l'est le gouvernement croate.
Inversément jamais l'Europe ne s'est permise ce qu'elle s'est permis avec la Croatie. Ici aussi ce n'est que la plus simple évidence. Prenons le cas de l'Angleterre. A l'époque aucun négociateur européen n'est allé à Londres pour oser dire "Il n'est pas question que les Anglais aillent voter tant que le processus d'adhésion est en cours". D'aillleurs si quelqu'un s'était permis ce genre de facétie, il ne vivrait plus puisque les Anglais se seraient chargés de lui faire avaler son attaché-case.
Malheureusement la Croatie n'est pas l'Angleterre. Avec elle on se permet tout.
Mais où est-ce que tout cela va mener ?
La réponse est assez simple.
D'une part le pays vend tout et de l'autre il ne cesse de s'endetter. Or plus vous vendez des élements de votre patrimoine et moins vous avez de moyens en votre possession qui vous permettront dans le futur de rembourser vos emprunts contractés. Inversément plus vous vous endettez et plus vous êtes tenté de vendre des éléments de votre patrimoine afin de rembourser vos dettes dès lors que vous avez goûté à ce genre de mécanisme empoisonné.
Justement aucun gouvernement dans toute l'histoire de l'Union européenne n'a recouru à ce mécanisme comme le fait le gouvernement Sanader-Kosor. Actuellement, comme j'en ai déjà parlé sur ce blogue, on est en train d'essayer de vendre les îles, l'eau, ou encore les forêts, c'est-à-dire qu'on est en train d'en confier la gestion à autrui. Toutefois il n'y a pas que cela et on évoque de plus en plus sérieusement dans la pressse croate le cas de la société Elektropriveda, celle qui s'occupe de l'électricité. (S'agissant de l'autre compagnie énergétique, l'Ina qui s'occupe du pétrole et de ses dérivés, sa prise de contrôle par des étrangers a commencé sous Sanader et s'est achevée sous Kosor puisque ce sont les Hongrois qui sont désormais maîtres à bord).*
Ce processus qui s'est engagé est un engrenage vicieux. L'intérêt pour l'eurocratie d'avoir fait du HDZ son bras prolongé et qu'à partir d'un certain point de non retour, tout prochain gouvernement sera obligé de suivre la même ligne que le HDZ : s'endetter toujours plus pour rembourser les dettes déjà contractées et vendre de plus en plus puisque la base de remboursement est quant à elle de plus en plus étroite. Et c'est ainsi que le piège se sera refermé sur les Croates.
C'est donc dans ce piège mortel qu'il faut voir l'intérêt pour l'Eurocratie d'avoir fait du HDZ son prétendu partenaire pour négocier alors qu'en réalité les deux ne font qu'un et un seul.
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* Pour la petite histoire, les Hongrois ont lancé leur OPA sur l'Ina alors que Jadranka Kosor était allée se balader sur les bords du Nil en compagnie de Moubarak. Lorsqu'elle est revenue de son excursion il était déjà trop tard pour réagir. Elle n'a pas fait Harvard mais au moins elle a fait le Nil...