VEF Blog

Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 16-03-2011 à 17:07:25

Là où le gouvernement a pêché

 

 

Des journalistes m'ont demandé il y a quelques jours pourquoi les manifestations ne sont pas plus massives, ce qui est une question tout à fait légitime, en particulier parce que l'impression générale est que la crise aussi bien économique que sociale a atteint les limites de la rupture. Et pourtant jusqu'à présent on n'est pas parvenu à franchir la barre des 10.000 manifestants (moins d'après la police tandis que de leur côté les manifestants et les médias parlent de 10.000, la vérité étant probablement entre les deux).

 

La réponse est somme toute fort simple et se résume à la peur qu'éprouvent les gens. Cette peur peut être enracinée car il fut un temps [sous le communisme, N.D.T.] où les manifestations en tant que méthode d'expression citoyenne n'étaient pas bien vue. Encore aujourd'hui d'autres instruments bien plus démocratiques ne sont pas davantage utilisés dans ce pays alors qu'en toute bonne logique ils devraient l'être (par exemple l'utilisation du référendum non seulement comme outil d'expression mais aussi comme moyen de fixer et de renforcer une position politique). Pour partie il y a aussi le fait que les choses ne vont pas si mal tant que le salaire arrive au compte goutte, qu'un peu d'argent peut être trouvé ici et là. Les crédits doivent être remboursés et le statu quo dans lequel bon nombre se trouvent même s'il n'est pas favorable est pourtant préférable au chaos qui va venir inéluctablement.

 

En outre il manque une claire motivation pour recourir aux élections. L'appel lancé par la rue et le désir d'élections anticipées ont beau sonner agréablement, la première question qui se pose ensuite est celle-ci : "Et maintenant quoi ?" C'est justement dans ce "et maintenant quoi ?" que se cache la raison principale qui explique pourquoi les manifestations ont connu un échec relatif jusqu'à présent. Si les citoyens avaient une idée claire et précise de ce qui va suivre, de qui sont ceux qui vont accéder au pouvoir et régler les problèmes, il y aurait alors des centaines de milliers de gens dans les rues. L'opposition qui attend sa chance électorale n'a malheureusement pas pu démontrer qu'elle est à la hauteur du défi et lorsque vous devez choisir entre deux solutions tout aussi mauvaises la probabilité est que vous choisissiez celle qui vous est déjà connue.

 

D'un autre côté, je crois (comme bon nombre) que le Gouvernement ne fait qu'occuper l'espace et, ce qui est plus important encore, le temps. Ce temps qui nous est si précieux à nous tous pour pouvoir se confronter aux gros problèmes qui se sont accumulés et qui maintenant déjà sont devenus intenables. Dans la Bible il existe un pêché qui décrit cette situation et qui s'appelle "le pêché par omission". A côté de cela le gouvernement possède quelque chose qu'il tente de vendre au peuple profane sous l'étiquette de "programme économique", mais qui n'est rien d'autre qu'une agitation effrénée de la Premier ministre à travers le pays et un déploiement insensé de démagogie, la seule industrie florissante chez les Croates. Même le peu d'activité gouvernementale dont nous ayons la preuve, comme les programmes A+ et B+ (ou quel que soit leur nom du moment) sont conçus pour toucher une portion très restreinte et soigneusement sélectionnée de notre économie, ce qui est bien trop peu que pour amorcer une reprise substantielle. Un milliard ou deux placés dans un pays où rien que pour cette année nous aurons une dizaine ou plus de milliards entre ce qui a été remboursé et ce qui doit l'être, cela ne constitue en rien un programme pouvant régler la situation ni même l'atténuer.

 

La crise dans laquelle nous avons sombré doit être résolue par des mesures urgentes qui fonctionnent pour absolument tous les acteur économique dans la société, des mesures qui sont instantanées et directement applicables de façon à ne pas perdre le temps qui nous fait tant défaut. Et en définitive elles doivent être justes pour qu'il n'y ait aucun secteur de l'économie sur lequel elles ne portent que peu ou prou. Aucune des mesures que le gouvernement met en oeuvre ne satisfait à cette description. Au lieu de cela les ministres courent en tout sens et éteignent les différents foyers d'incendie alors qu'il est évident que le brasier ne va pas être éteint par un petit extincteur.

 

Le privilège de l'équipe gouvernememtale tant qu'elle dispose d'une majorité stable au Parlement est qu'elle peut choisir le moment d'aller aux élections. Mais il est tout autant de la responsabilité de ceux au pouvoir de reconnaître le moment où ils ne peuvent plus rien apporter à ce pays. Peut-être le moment est-il venu pour ceux qui occupent le Palais du ban de sérieusement songer à une sortie honorable, pour autant qu'elle soit encore possible.

 

Par Marko Rakar

 

Source : pollitika.com, le 15 mars 2011.

 

 

 

***

 

Toujours à propos des manifestations croates, je signale un article du "Courrier des Balkans" intitulé Croatie : colère des anciens combattants + "mouvement Facebook" = révolution ?

 

Je le redis, pour l'instant je m'occupe principalement sur ce blog de ce qui se passe en Croatie. Pour une fois que quelque chose se passe dans les Balkans, une région relativement figée, il serait sot de laisser passer cela. D'ailleurs je pense que ces événements vont laisser des traces dans les autres pays de la zone serbo-croate. Une raison de plus pour essayer de mieux les cerner.