Zéro pointé : Ne tombons pas dans ces histoires de sécession, ce qui nous préoccupe est la pauvreté et la faim !
On n'arrivait pas à croire que les gens puissent déambuler avec insouciance et acheter des décoration pour le Nouvel an tandis que nous n'avions de notre côté que le désespoir. On a choisi de faire quelque chose à ce propos, de ne pas être passifs et c'est ainsi qu'est né Zéro pointé (Oštra nula)..."
Depo Portal vous présente les rebelles de Banja Luka - des membres d'un mouvement activiste ayant poussé les citoyens de la Republika Srpska à se bouger.
Zéro pointé a pris part à l'organisation des récentes marches de protestation à Banja Luka. Dirigées par l'étudiant Stefan Filipović, ces manifestations ont rassemblé des centaines de citoyens, à la surprise générale des habitants de la Republika Srpska mais aussi du reste du pays.
- Notre action a reçu un grand appui des gens ordinaires de toutes les classes sociales et nous avons mis en route un processus qui ne va pas s'arrêter, car les raisons de la grogne générale ne cessent de se multiplier de jour en jour alors que le pouvoir ne fait preuve que d'insouciance, déclare Filipović. Et il annonce toute une série de nouvelles actions qui d'après lui seront bien plus massives.
Les cerveaux et les fondateurs de Zéro pointé sont l'étudiante en philosophie Đulija Aćimović, la professeure de philosophie et de sociologie Dražana Lepir, le peintre académicien Davor Paponja ainsi que l'étudiant de philosophie et de sociologie Dejan Cocić.
Dans une courte interview pour Depo Portal, les membres et les fondateurs de Zéro pointé nous parlent ouvertement des questions sociales et politiques affectant la Republika Srpska et le reste du pays.
De qui et de quoi Zéro pointé est-il le représentant ?
Zéro pointé : L'association de citoyens Zéro pointé dont les membres sont des étudiants, des travailleurs et des personnes diplômées a pour objectif de sensibiliser les citoyens à leurs droits humains, civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels.
Par nos activités nous tentons dans cette situation apparemment bouchée de trouver une voie légale à emprunter pour résoudre les problèmes et faire prendre conscience aux citoyens qu'ils font aussi partie de la situation dans laquelle nous nous trouvons et sur laquelle nous pouvons agir en commun.
D'où est venue l'idée de créer cette organisation non gouvernementale ?
ZP : L'idée de créer Zéro pointé est venue spontanément et elle est née en réaction à la hausse des prix annoncée en 2010. On n'arrivait pas à croire que les gens puissent déambuler avec insouciance et acheter des décoration pour le Nouvel an tandis que nous n'avions de notre côté que le désespoir. On a choisi de faire quelque chose à ce propos, de ne pas être passifs et c'est ainsi qu'est né Zéro pointé.
L'appellation même indique que nous ne voulons pas être de simples zéros mais de cinglants zéros et que nous luttons pour nos droits.
Quels sont les motifs concrets qui vous ont poussés à l'activisme ?
ZP : Tout d'abord et généralement parlant nous sommes mécontents de l'apathie dans la société et plus particulièrement de l'"impuissance" prétendue des jeunes dans la Republika Srpska, des jeunes qui sont littéralement en voie de disparition dans ce milieu.
Les jeunes, en particulier dans les petits endroits, ne voient leur accès au travail ou toute activité qu'au travers du parti qui est au pouvoir et c'est ainsi qu'ils deviennent des nombres et des statistiques aux yeux des politiciens... leur voix dans ce parti ne s'y faisant pas entendre ni respecter. C'est pourquoi l'activisme est important et réprésente chez nous à peu près une nouvelle forme d'action... pour que les jeunes voient par des exemples concrets qu'il existe des méthodes pour faire et dire quelque chose en dehors des milieux stagnants des partis ou porteurs d'autres étiquettes.
Est-ce que vous collaborez avec d'autres organisations non gouvernementales similaires en Bosnie-Herzégovine ?
ZP : Nous collaborons étroitement avec le mouvement Dosta, avec qui nous avons participé aux manifestations du 1er mai à Sarajevo, ainsi qu'avec YIHR et l'Action des citoyens de Sarajevo. Pour l'essentiel toutes ces organisations s'occupent de choses pareilles ou similaires. Par cette collaboration nous infirmons les déclarations des politiciens bosno-hercégoviniens qui prétendent que la collaboration entre les entités n'est pas possible.
On entend souvent dire qu'en Republika Srpska règne la léthargie générale et que les citoyens n'ont pas la volonté de "prendre les choses en mains". Est-ce exact ?
ZP : C'est un fait qu'en Republika Srpska règnent la passivité et la léthargie, mais il existe des indices suggérant que cela change. Récemment ont eu lieu à Banja Luka des manifestations qui ont rassemblé 300 personnes. Il s'agit d'un grand succès si vous tenez compte qu'un seul étudiant, Stefan Filipović, en est à l'origine, en bénéficiant de l'appui de Zéro pointé.
Que reprochez-vous aux autorités en Republika Srpska ?
Zéro pointé : Nous n'avons rien à reprocher aux autorités parce que nous, les citoyens, nous portons notre part égale de responsabilité pour la situation dans laquelle nous nous trouvons, par notre inaction. Il existe des institutions et des gens qui reçoivent de gros salaires, dont le travail est d'oeuvrer à notre avantage et non pas au leur. La liste des "reproches" à faire en tant que citoyens est fort longue ; nos principaux problèmes sont eux principalement d'ordre existentiel.
Est-ce qu'il existe une opposition en Republika Srpska ?
ZP : Brièvement - Non !
Comment est-ce que les autorités profitent du peuple ?
ZP : Nous, en tant que Secteur non gouvernemental, de même que tout citoyen, nous pouvons citer mille exemples... le problème est qu'en Republika Srpska les lois favorisent la mafia et la corruption au point de la rendre légale, de plus en plus difficile à prouver.
Dans quel domaine les citoyens de la Republika Srpska sont-ils les plus menacés ? La corruption, les bas standards, le manque d'emplois... ?
ZP : Justement tout cela. Si les gens avaient une vie normale, du travail, sans doute tout le reste ne les intéresserait-il pas autant, mais le citoyen lambda de la Republika Srpska est contraint de régler quotidiennement mille soucis : la santé, l'éducation, la circulation... Où que l'on se tourne on se retrouve avec les mêmes problèmes et les mêmes hiérarchies d'individus, instrumentalisés par les partis, qui ne demandent qu'une seule et même chose : le pot-de-vin.
Les facultés privées prolifèrent à travers tout le pays et jamais il n'a été plus facile d'obtenir un diplôme. Que pensez-vous de ce phénomène ?
ZP : Chaque étudiant est libre de choisir son établissement d'enseignement. La question fondamentale est la qualité aussi bien dans les facultés nationales que privées, or celle-ci est affligeante.
Quel est le principal problème dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine ?
ZP : Le principal problème sont les gouvernements locaux et leurs employés. Un nombre élevé de ministères, d'adjoints, de conseillers... faut-il en dire plus ? Ce sont ceux qui sans aucun besoin grignotent le budget.
Pour ou contre les entités ? Que pensez-vous de la question croate d'une "troisième entité" ?
ZP : Cette question à l'heure du dénuement général et de la faim ne nous intéresse vraiment pas. Il convient en effet de ne pas tomber dans ces histoires nationalistes, car ce n'est qu'ainsi que nous donnons une légitimité à la politique existante.
Et pour finir, y a-t-il un espoir pour la Bosnie-Herzégovine ?
ZP : Le futur nous appartient à nous les citoyens !
Source : abrasmedia.info, le 26 février 2011.