posté le 26-01-2011 à 11:03:19
La Cour européenne estime que la Croatie a manqué à ses devoirs concernant des crimes de guerre
La Croatie s'est abstenue d'enquêter sur des crimes de guerre commis durant le conflit de 1991-1995.
Amnesty International exhorte une nouvelle fois les autorités croates à enquêter sur les crimes de guerre commis pendant la guerre de 1991-1995, à la suite d'un arrêt crucial rendu par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui pourrait permettre à des milliers de victimes de demander justice à l'échelon international.
La CEDH a estimé le 20 janvier que les autorités croates étaient responsables de l'absence d'enquêtes sérieuses sur la disparition forcée et la mort de deux victimes de crimes de guerre en 1991, bien que le pays ne soit partie à la Convention européenne des droits de l'homme que depuis 1997.
« Ce jugement crée un précédent important, car il permet aux victimes de crimes de guerre perpétrés durant les conflits en ex-Yougoslavie de se tourner vers la CEDH pour obtenir justice si les États n'effectuent pas de véritables enquêtes sur ces crimes », a déclaré Marek Marczynski, spécialiste de la Croatie à Amnesty International.
L'arrêt rendu portait sur deux cas, notamment celui d'une femme dont l'époux a été abattu par l'armée yougoslave en 1991 à Vukovar.
Malgré les éléments de preuve rassemblés par les autorités, l'enquête n'a enregistré aucun progrès majeur et la procédure a pris fin en 2010 en vertu d'une loi d'amnistie.
La seconde plainte a été déposée par Josipa Skendžić et ses enfants, Tamara Krznarić et Aleksandar Skendžić, après que leur mari et père eut été arrêté par la police croate le 3 novembre 1991 à l'appartement familial, à Otočac. Il n'est jamais rentré chez lui.
Josipa Skendžić a essayé de découvrir ce qui était advenu de son mari en contactant les autorités locales, le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur, le médiateur de la République et le vice-président du gouvernement. Une enquête locale a été ouverte mais n'a jamais avancé.
L'arrêt rendu par la Cour a établi que bien que les autorités ne puissent être tenues de répondre de ces morts et disparitions forcées devant la CEDH – les faits ayant eu lieu avant l'entrée en vigueur de la Convention en Croatie –, elles avaient toutefois l'obligation d'enquêter sur ces crimes, ce qu'elles n'ont pas fait.
« Les victimes de crimes de guerre méritent la justice. Les autorités croates se voient rappeler encore une fois que leurs manquements persistants à l'obligation de traduire en justice les auteurs présumés de tels crimes constituent des atteintes au droit international », a ajouté Marek Marczinski.
Dans son rapport publié en décembre 2010 sous le titre
Croatia: Behind a wall of silence: Prosecution of war crimes in Croatia, Amnesty International a montré que le système de justice croate n'a pas permis aux victimes de crimes de guerre de demander justice.
Trois membres de l'armée populaire yougoslave sont venus appréhender A.J. – le mari de la première requérante – au domicile familial à Vukovar le 3 octobre 1991. Quelques minutes plus tard, l'épouse a entendu des coups de feu et l'a vu peu après gisant mort devant leur maison.
Elle a immédiatement signalé l'affaire à la police et une plainte pénale a été déposée en mars 1992 auprès du procureur militaire à Osijek. Une enquête a été ouverte en août 1992, et entre 1993 et 1997, la requérante et d'autres témoins ont déposé devant le tribunal à Osijek.
Entre 1997 et 2000, l'enquête a stagné car les auteurs présumés résidaient dans une zone où la justice croate ne pouvait exercer son autorité. En novembre 2000, l'affaire a été portée devant le tribunal de comté de Vukovar, après que les autorités croates eurent regagné le contrôle de la région de Slavonie orientale en 1998.
Bien que l'un des suspects ait été arrêté en 2001 et que plusieurs témoins aient témoigné, personne n'a jamais été traduit en justice pour l'homicide d'A.J.
La procédure a été close en juillet 2010, les accusations contre les suspects ayant été requalifiées en rébellion armée en vertu de la loi sur l'amnistie.
Dans la seconde requête, déposée par Josipa Skendžić et ses deux enfants, leur époux et père a été arrêté par la police croate le 3 novembre 1991 dans l'appartement de la famille à Otočac. Il n'est jamais rentré. En mars 1998, à la demande de la famille, il a été déclaré mort par la justice croate.
Des mesures d'enquête ont été ordonnées par le parquet du comté de Gospić en juillet 2000, à la suite d'une nouvelle requête présentée par la famille Skendžić et d'une lettre du ministre de la Justice. Depuis lors, plusieurs tentatives ont été faites en vue d'identifier les responsables de la disparition de M. Skendžić, mais elles n'ont livré aucun résultat.
Source :
amnesty.org, le 21 janvier 2011.