posté le 21-01-2011 à 16:16:29
Le serbo-croate
Le "Frankfurter Rundschau" se penche sur "l'énigme" qui intrigue les linguistes des pays post-yougoslaves depuis la désintégration de l'Etat commun.
Depuis l'effondrement de la Yougoslavie, parle-t-on croate en Croatie et serbe en Serbie ? Hmm, hmm... pas si vite ! La linguiste croate
Snježana Kordić démontre de manière implacable et minutieuse ce qu'en réalité tout le monde sait : les Croates, les Serbes, les Bosniaques et les Monténégrins parlent la même langue.
Est-ce qu'une langue peut tout simplement se désagréger comme peuvent le faire les états et les nations ? Et si oui, que faut-il en conclure ? Est-ce que tout d'un coup tout le monde se met à parler des langues différentes et à ne plus se comprendre, un peu comme lorsque la tour de Babel s'était effondrée ? La linguiste croate Snježana Kordić offre à cela une réponse simple : non. Depuis lors tout le pays y trouve matière à dispute.
En Croatie on parle croate et en Serbie serbe, si on en croit la formule consacrée née au lendemain de l'effondremenent de la Yougoslavie, le tout joliment séparé. Les puristes, qui depuis vingt ans donnent des leçons au peuple sur la nouvelle langue, ont réagi avec énergie : Ce livre est un "détritus", a fulminé le romancier Hrvoje Hitrec, président du Conseil culturel croate, de tendance conservatrice, alors qu'il passait à la télévision aux heures de grande écoute. Le journal le mieux vendu en Croatie, le
Večernji list, a offert deux pages à Sanda Ham en tant que papesse linguistique pour polémiquer avec l'hérétique [Snježana Kordić] . Hitrec quant à lui est même allé jusqu'à porter plainte à la police contre le ministre de la Culture parce que le livre a reçu une aide financière, comme il en va pour toutes les autres oeuvres scientifiques concernant le croate.
Toutefois les nationalistes sont de plus en plus sur la défensive.
Nenad Popović, le courageux éditeur de Snježana Kordić, ne se laisse pas irriter, pas plus que l'auteur. Se sentant pousser des ailles, les principaux intellectuels croates comme le dramaturge
Slobodan Šnajder, le romancier
Miljenko Jergović et le satiriste
Boris Dežulović ont applaudi la scientifique jusqu'ici peu connue. La presse libérale s'est délectée en énumérant toutes les absurdités de la thèse qui voudrait que le croate, le serbe, le bosniaque et le monténégrin soient des langues différentes. Ainsi faudrait-il que chaque Croate naisse polyglotte puisqu'il parle automatiquement trois langues supplémentaires. Un journal a fait remarquer que parmi les soixante-dix ambassadeurs croates à travers le monde, il ne s'en trouve qu'un seul à avoir indiqué sur sa page internet qu'en outre de l'anglais et du français il connaît également le serbe. Tous les autres semblent l'admettre comme une évidence.
Snježana Kordić, une linguiste de 46 ans diplômée à Zagreb et ayant fait carrière d'enseignante en Allemagne, démontre de manière implacable et méticuleuse ce qu'en réalité tout le monde sait : les Croates, les Serbes, les Bosniaques et les Monténégrins parlent la même langue. Sauf qu'on ne l'appele plus le serbo-croate comme c'était le cas jusqu'en 1991, mais qu'on lui prête un nom différent dans chaque pays. Kordić refuse quant à elle les subtilités qui font qu'on nomme une langue non seulement en vertu de ses propres caractéristiques mais aussi de la nationalité du locuteur : après tout les Argentins ne parlent pas l'argentin. Le critère, d'après lequel un trésor lexical commun variant entre 75 et 85% génère une langue commune, est largement satisfait par ces quatre langues slaves du sud. Même les nouveaux mots qui sont introduits dans les cerveaux à coup de marteau depuis l'effondrement de la Yougoslavie, surtout en Croatie, sont compris par presque tous les Serbes, Bosniaques et Monténégrins. En fin de compte ils ont été forgés à partir d'un même matériel linguistique.
Kordić propose une argumentation simple, claire et infaillible : n'en déplaise aux politiciens nationaux le serbo-croate continue d'exister en tant que "langue polycentrique" comme le sont l'allemand, l'anglais, le français, l'espagnol, des langues qui sont parlées sous différentes variantes dans différents pays. Ce qu'il y a de scandaleux dans son livre c'est qu'il ne laisse plus de place aux billevesées. La partie adverse a été exonérée pendant vingt ans de fournir des arguments : l'apport de la linguistique à la défense idéologique du pays était plus que bienvenu dans les partis, les maisons d'édition et les rédactions. Maintenant que quelqu'un a fait savoir que l'empereur est nu, c'est comme si le camp national n'avait plus rien à offrir. A part la fureur. Suite aux démonstrations publiques dans sa ville natale d'Osijek et aux menaces de mort, Snježana Kordić ne révèle plus son lieu de séjour.
En Croatie, en Serbie, en Bosnie et au Monténégro, des endroits on l'on construit justement l'ultime nouvelle langue, Kordić a déjà donné des interviews. Les débats ont été pareils les uns les autres. A Belgrade aussi une jeune scientifique s'est fait chapitrer par le pape linguistique local parce qu'elle a affirmé que le serbo-croate existe.
La slavistique étrangère, s'il est vrai qu'elle n'a pas à subir les pressions nationales, évite toutefois de donner une opinion claire sur l'existence du serbo-croate. Dans certaines universités allemandes on enseigne la langue BCS (Bosnique/Croate/Serbe), et cela dans un tel ordre alphabétique, c'est-à-dire "neutre". Ailleurs la langue qui est enseignée est simplement appelée en fonction de l'origine du professeur. Monika Wingender, la nouvelle présidente de l'Association des slavistes, qui enseigne à Giessen, déclare que le serbo-croate est "en voie de désintégration", un phénomène qui pourrait certes encore durer longtemps. Une formule subtile qui laisse à chacun son opinion et qui ne demande pas à la science de se prononcer.
Jezik srpskohrvatski
"Frankfurter Rundschau" opisuje "enigme" kojima se bave jezikoslovci postjugoslavenskih zemalja nakon raspada zajedničke države.U Hrvatskoj se nakon raspada Jugoslavije govori hrvatski, u Srbiji srpski? Malo morgen! Hrvatska lingvistica Snježana Kordić dokazuje bespoštedno i pedantno ono što su ustvari svi stalno znali: Hrvati, Srbi, Bosanci i Crnogorci govore isti jezik.
Može li se jezik naprosto raspasti kao što to mogu država i nacija? I ako da, što to znači? Da li odjednom svi govore raznim jezicima i ne razumiju se više kao ono kad je propala izgradnja Babilonske kule? Hrvatska lingvistica Snježana Kordić je sada u knjizi našla jednostavan odgovor: ne. Od tada je svađa u čitavoj državi.
U Hrvatskoj se govori hrvatski, u Srbiji srpski, to je bila formula nakon raspada Jugoslavije: sve lijepo separirano. Jezični puristi, koji dvadeset godina drže narodu lekcije iz hrvatskog novogovora, energično su reagirali: "smeće" je ta knjiga, zapovjedio je u najgledanijem terminu na televiziji romanopisac Hrvoje Hitrec, predsjednik konzervativnog Hrvatskog kulturnog vijeća. Najtiražnije dnevne novine Večernji list dale su dvije stranice Sandi Ham kao jezikoslovnom papi da polemizira protiv heretičarke. Hitrec je čak prijavio ministra kulture policiji jer je knjizi dodijelio financijsku potporu, kao uostalom i svim drugim znanstvenim djelima o hrvatskom jeziku.
Ali nacionalisti zapadaju sve više u defanzivu. Kordićkin hrabri izdavač Nenad Popović ne da se iritirati, kao ni autorica. Vodeći hrvatski intelektualci poput dramaturga Slobodana Šnajdera, romanopisca Miljenka Jergovića i satiričara Borisa Dežulovića, aplaudirali su kao oslobođeni od okova ovoj dosad manje poznatoj znanstvenici. Liberalni tisak izlistavao je s nasladom sve apsurdnosti koje proizlaze iz teze da su hrvatski, srpski, bosanski i crnogorski različiti jezici. Po tome bi se svaki Hrvat morao rađati kao poliglot jer automatski govori još dodatna tri jezika. Jedan tjednik je uočio da od sedamdeset hrvatskih ambasadora u svijetu samo jedan na svojoj internetskoj stranici navodi da pored engleskog i francuskog zna i srpski. Svi drugi, izgleda, smatraju da se to podrazumijeva samo po sebi.
Snježana Kordić, 46-godišnja lingvistica sa zagrebačkim doktoratom i nastavkom karijere u Njemačkoj, dokazuje bespoštedno i pedantno ono što su ustvari svi stalno znali: Hrvati, Srbi, Bosanci i Crnogorci govore isti jezik. Samo sad ga ne zovu više kao do 1991. srpskohrvatski, nego u svakoj državi drugačije. Ali izmišljotine da se ime jeziku dodjeljuje ne samo prema jezičnim osobinama nego prema nacionalnosti govornika, Kordić ne dopušta: naposljetku, Argentinci ne govore argentinski. Kriterij da 75 do 85 posto zajedničkog rječničkog blaga čine zajednički jezik, ispunjavaju ta četiri južnoslavenska jezika bez problema. Čak i nove riječi koje se nakon raspada Jugoslavije kroje prvenstveno u Hrvatskoj i ukucavaju čekićem u mozgove, skoro sve razumiju Srbi, Bosanci i Crnogorci. Na kraju krajeva, skrojene su od istog jezičnog materijala.
Kordić argumentira jednostavno, jasno i nepotkupljivo: srpskohrvatski jezik i dalje postoji neovisno od fantazije nacionalnih političara - kao "policentrični jezik" poput njemačkog, engleskog, francuskog, španjolskog, koji se u različitim državama govore u različitim varijantama. Skandaloznom čini njenu knjigu to što nekadašnjim zaraćenim stranama za njihovu jezičnu borbu ne daje nikakav popust na budalaštinu. Suprotna strana nije se dvadeset godina morala truditi oko argumenta; prilog jezikoslovlja ideološkoj obrani zemlje bio je u strankama, izdavačkim kućama i uredništvima više nego dobrodošao. Sad kad netko kaže da je car gol, nacionalna strana kao da nema ništa da ponudi. Osim bijesa: nakon javnih demonstracija protiv nje u rodnom gradu Osijeku i prijetnje ubojstvom, Snježana Kordić više ne odaje svoje mjesto boravka.
U Hrvatskoj, u Srbiji, Bosni i u Crnoj Gori, gdje se upravo konstruira zadnji novi jezik, Kordić je dala već intervjue. Diskusije su nalik jedna drugoj. I u Beogradu je mlada znanstvenica morala otrpjeti kaznu od strane lokalnog lingvističkog pape jer je ustvrdila da postoji srpskohrvatski jezik.
Inozemna slavistika, premda je ustvari slobodna od nacionalnog pritiska, izbjegava dati jasno mišljenje o postojanju srpskohrvatskog jezika. Na nekim njemačkim sveučilištima podučava se "BHS", "Bosanski/Hrvatski/Srpski", i to ovim abecednim, dakle "neutralnim" redoslijedom. Negdje dalje se jezik koji se podučava jednostavno naziva po porijeklu lektora. Nova predsjednica Udruženja slavista, profesorica u Gießenu Monika Wingender kaže da se srpskohrvatski nalazi u "procesu dezintegracije" koji, doduše, može dugo potrajati - fina formula koja svakome ostavlja njegovo mišljenje i ne traži od znanosti nikakvu prosudbu.
Source :
h-alter.org, le 19 janvier 2011.
Original en allemand sur le
Frankfurter Rundschau