Personne ne reproche à Jadranka Kosor d'avoir bon coeur, après tout c'est son droit on est en démocratie, mais ce qu'on voudrait encore plus c'est qu'elle ait une petite idée de ce qu'elle fait à la tête de l'Etat.
A ce propos je vais vous raconter une anecdote même si vous allez tout de suite être déçus en voyant que ce n'est pas vraiment une anecdote. Il y a deux ou trois ans (je ne sais plus exactement, le temps passe tellement vite mais je penche plutôt pour trois) mon ordinateur était tombé en panne pour de bon. J'étais resté un certain temps sans pouvoir en racheter un nouveau et comme je n'ai pas la télé dans ma chambre il ne me restait plus qu'à lire ou à écouter la radio. Se promener dans la rue était exclu parce que cela se passait aux mois de décembre/janvier et qu'il y avait beaucoup plus de neige que cette année-ci. En outre je suis frileux de nature. J'ai donc recommencé à écouter la radio et surtout les informations (déformation professionnelle ?), ce que je n'avais plus fait depuis des années. Rapidement j'ai compris que la radio nationale était toujours au service du HDZ (le parti éternellement au pouvoir) et par conséquent au service de Jadranka Kosor.
A l'époque celle-ci n'était pas encore Premier ministre mais seulement "ministre de la Famille, de la Solidarité entre les Générations et des Anciens combattants" (ouf !), une sorte de super ministère des Affaires sociales servant à gérer l'énorme clientèle du HDZ dont les anciens combattants. On peut dire que ce ministère formait déjà l'épine dorsale du Gouvernement HDZ qui comme on le sait n'a pas de stratégie économique, n'a jamais construit d'autre d'industrie que le tourisme, n'a jamais attiré d'investissements productifs... bref le ministère social prêt à gérer toutes ces bouches à nourrir puisque l'économie ne le fait pas.
Et j'en viens enfin à ma pseudo anecdote pour vous expliquer que tous les deux jours il y avait un long reportage à la radio nationale dédié à Jadranka Kosor qui visitait soit une fondation soit un hôpital soit une école maternelle soit des démunis... exactement comme elle continue de le faire maintenant qu'elle est devenue Premier ministre. Bien entendu déjà alors elle se faisait accompagner par toute une cohorte de journalistes et à chaque fois elle avait un chèque sonnant et trébuchant à remettre puisqu'elle ne vient jamais les mains vides.
Mais c'est justement ici que cela devient tout de même presque une anecdote de ma part. En effet dans un système féodal comme la Croatie il est tout à fait normal que les dirigeants HDZ remettent directement l'argent de l'Etat (c'est à dire celui du contribuable) dans la main de ceux qui n'auront pas d'autre choix que de dire merci devant des médias qui eux aussi appartiennent de toutes façons au HDZ. Or il a fallu que le HDZ pèche par orgueil parce que certains jours j'entendais que Jadranka Kosor remettait un chèque non plus de l'Etat mais directement du parti HDZ, qui se défaisait ainsi généreusement d'une partie de sa trésorerie pour ceux qui en ont le plus besoin. Inutile de vous expliquer qu'à ce moment-là Jadranka Kosor redoublait d'exhibitionnisme et que les médias à sa botte redoublaient de voyeurisme pour la suivre dans ses oeuvres de charité.
Mais pourquoi dis-je que le HDZ a fini par pécher par orgueil ? Parce que maintenant que pas mal d'affaires ont éclaté sous la pression de l'Europe on en sait un peu plus sur les sources de financement du HDZ, toutes plus illégales les unes que les autres. Pour n'en citer qu'une seule, le HDZ avait instauré à l'échelle nationale un système de racket des entreprises publiques où les directeurs étaient gentiment invités à donner leur obole au parti s'ils ne voulaient pas avoir de problèmes. Assez audacieux n'est-ce pas ? Et pourtant il fallait bien que cela arrive un jour. Presque perpétuellement au pouvoir depuis l'indépendance du pays, un règne presque aussi long que celui de Ben Ali, le HDZ a fini par se confondre avec l'Etat. Ces deux structures opaques n'en font plus qu'une et tout est à leur disposition et à leur service pour nous offrir une sorte de grand n'importe quoi dont on ne voit jamais la fin.
Et Jadranka Kosor dans tout ça ? Et bien elle ne savait pas. Elle se contentait de remettre aux plus pauvres l'argent volé. Un peu comme Robin des Bois...