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Titre du blog : Balkanikum
Auteur : Balkanikum
Date de création : 14-08-2008
 
posté le 15-12-2010 à 13:26:52

Ivo Sanader et l’iceberg de la corruption
 

Non, la corruption ne va pas cesser avec l’arrestation d’Ivo Sanader, estime le quotidien Jutarnji List. Même si les mauvaises pratiques ont explosé sous sa gouvernance.


La corruption ne date pas d’aujourd’hui en Croatie. Elle est née dans les dernières années du socialisme avec les enveloppes bleues que l’on donnait aux médecins, les pots-de-vin versés aux inspecteurs de police et les dessous-de-table qu’il fallait payer pour avoir une ligne téléphonique. Durant les années 1990, elle a explosé, contaminant la société tout entière dans la première décennie de ce siècle. Qu’ils le veuillent ou non, les Croates recourent toujours à la corruption pour avoir une date d’opération chirurgicale, faire bouger les choses au cadastre, enregistrer un bateau de plaisance ou faire un avortement.

Aucun parti politique n’est à l’abri de ce fléau, mais le HDZ [Union démocratique croate, le parti de feu le président Franjo Tudjman] en est le principal responsable ayant eu la haute main sur les finances de l’Etat pendant la quasi-totalité des vingt années de démocratie croate [entre 1990 et 2010, le HDZ a été au pouvoir pendant seize ans].

Depuis quelques mois, ce système est incarné par Ivo Sanader, patron du HDZ et ex-Premier ministre, qui a fui le pays après avoir été déchu de son immunité parlementaire. Accusé d’abus de pouvoir par la justice croate, il a été interpellé le 10 décembre en Autriche où il est détenu dans l’attente d’une extradition vers la Croatie. Depuis sa brusque sortie de la scène politique [Sanader avait démissionné de son poste de chef de gouvernement à l’été 2009 sans donner d’explications], était devenu, dans l’imaginaire populaire, une sorte de pieuvre qui dirigeait de ses multiples tentacules l’orchestre national de la corruption. Oui, Ivo Sanader était devenu ce mannequin de carnaval que l’on s’empresse de brûler pour effacer les traces de ses propres péchés.

Mais est-ce que la corruption va disparaître avec sa chute ? Je crains que la réponse ne soit négative. Si la corruption ne date pas de Sanader, il faut bien dire qu’elle a explosé sous sa gouvernance. Primo, parce qu’il a dû monnayer la transformation du HDZ, de parti nationaliste et rigide, en une formation plus moderne, pro-européenne mais toujours conservatrice. Ensuite, il y a eu une conjoncture économique très favorable. Jusqu’en 2007, la Croatie a vécu quelques années fastes, alimentées par la flambée des investissements et du tourisme, ce qui n’a pas manqué d’apporter de l’oxygène sur les braises de la corruption. Mais, dès le début de la crise économique, le système kleptocratique s’est écroulé comme un château de cartes. Quand on analyse les causes de la chute de Sanader, il faut tenir compte de tous ces éléments, et du fait qu’aujourd’hui la Croatie se trouve littéralement aux portes de l’UE. Mais je ne peux partager l’enthousiasme de ceux qui annoncent avec son arrestation le début d’un monde radieux dans lequel la corruption serait définitivement éradiquée. Car la corruption quotidienne, celle qui détruit l’esprit d’entreprise, sape la confiance dans Etat, tue la concurrence et l’excellence, ravage les villes et l’environnement, cette corruption-là est une réalité pour tous les Croates. Et à ce jour, rien n’a été fait pour y mettre un terme.


par Jurica Pavičić

Source : courrierinternational.com, le 15 décembre 2010.