posté le 14-11-2010 à 13:52:31
La mère de Brice Taton : « Ce procès est un véritable calvaire »
Suzanne Taton, mère du supporteur toulousain tué par des hooligans en Serbie en 2009, dénonce le déroulement chaotique du procès des meurtriers de son fils Brice. Propos recueillis par Aurélie Ladet
Depuis le mois d’avril à Belgrade, un tribunal juge les hooligans serbes impliqués dans le meurtre de Brice Taton, ce supporteur toulousain de 28 ans battu à mort avant le match de football de Ligue Europa entre Toulouse et le Partizan de Belgrade le 17 septembre 2009 en Serbie. Un procès qui piétine. Les audiences se multiplient ou sont annulées. Les témoins se rétractent tour à tour.
Un véritable calvaire pour la famille et les proches de la victime qui veulent voir ses meurtriers condamnés. La mère de Brice, Suzanne Taton, qui a assisté aux dernières audiences, en appelle au gouvernement français afin qu’il intervienne auprès des autorités serbes.
Pourquoi ce cri de colère aujourd’hui?SUZANNE TATON. Depuis l’ouverture du procès, on a l’impression que rien n’avance, qu’on ne sait toujours rien sur le meurtre de notre fils. Il y a quatorze prévenus, dont deux qui sont toujours en cavale. Sur les douze restants, pas un seul ne reconnaît avoir agressé Brice. Ils nient tous en bloc. Les témoins du lynchage, eux, ne cessent de revenir sur leur déposition. Certains se rétractent et refusent de venir au procès. En septembre, la juge a même dû tout annuler parce qu’il n’y avait aucun témoin à la barre.
Pour quelles raisons ces témoins se rétractent-ils?Je pense qu’ils ont peur. Même ceux qui ont souhaité préserver leur anonymat ont fait faux bond. Je reste persuadée qu’il y a beaucoup de gens qui savent ce qui s’est passé et qui pourraient identifier tous ces hooligans qui ont tabassé Brice ce jour-là. Ça paraît tout de même incroyable que personne n’ait rien vu. Il était 17 heures, l’agression s’est déroulée sur une terrasse de café, un lieu public, noire de monde. Seul l’un des témoins cités dans le procès a dit qu’il savait des choses, mais qu’il comptait ne rien dire, par peur de représailles contre lui et sa famille. Alors dans ce contexte, tout le monde se tait.
Les deux agresseurs présumés en cavale sont-ils toujours recherchés?Ça non plus, nous ne le savons pas. J’espère que la justice serbe fait son travail et que le gouvernement ne nous laisse pas tomber. Nous voulons que la justice retrouve les vrais coupables, ceux qui se sont acharnés sur notre fils. Le jour de l’agression, il faut savoir qu’ils n’étaient pas seulement quatorze hooligans, mais plus d’une quarantaine.
Comment votre avocat serbe, Me Slobodan Ruzic, explique-t-il la situation que vous dénoncez?Il nous a expliqué qu’en Serbie, c’était comme cela. Le système judiciaire est lent, les procès très longs. Dans notre cas, la juge a déjà convoqué quatre audiences, dont une a été annulée. La dernière a duré trois jours, en début de semaine. Nous y étions. Et c’est seulement à la fin de ces trois jours que la juge a fixé une nouvelle date d’audience, les 18 et 19 novembre prochain, sans donner plus de détail.
Comment, vous et votre époux, vivez cette épreuve?Mal. Très mal. On se sent démunis, on ne sait pas quoi faire. A chaque fois que l’on s’apprête à retourner là-bas, on s’en rend malade. Et lorsqu’on en revient, on est totalement abattus, parce qu’il n’y a toujours rien de nouveau. Parfois, on se dit qu’il aurait mieux fallu que le procès s’ouvre plus tard, pour qu’il y ait plus de preuves, plus de certitudes. Ce procès, c’est devenu un véritable calvaire. On repartira à Belgrade mi-novembre. On devrait assister au rapport des experts médicaux et visionner des cassettes vidéo prises le jour de l’agression. Mais on ne compte pas en rester là. Nous allons essayer de contacter le secrétariat d’Etat au Sport pour lui dire notre désarroi. Si seulement il pouvait nous aider et faire pression sur le gouvernement serbe… Parce qu’aujourd’hui on a le sentiment que tout le monde nous lâche.
Source :
leparisien.fr, le 14 novembre 2010.
Audio -
Suzanne Taton en appelle au gouvernement