Le document clé pour boucler les négociations : 21 conditions pour l'UE
La position communautaire de l'Union européenne sur le Chapitre 23 : Appareil judiciaire et droits fondamentaux - un document confidentiel auquel le Večernji list a réussi à avoir accès - contient 21 conditions que la Croatie doit satisfaire si elle souhaite boucler ce chapitre d'ici la fin de l'année et signer son adhésion à l'UE au début de l'année prochaine. Parmi les 21 critères dans ce document adopté le 25 juin 2010 à Bruxelles figurent des conditions qui jusqu'à présent n'ont été que très peu discutées en public. Plus de 90% des points non résolus concernent le Gouvernement, la politique qu'il mène et les moyens qu'il investit dans le troisième segment du pouvoir. La justice n'est mentionnée que dans deux critères non remplis, tandis que le Parquet et l'USKOK [ Bureau pour la prévention de la corruption et du crime organisé] sont placés dans le contexte de la poursuite de la lutte contre la corruption.
Protégez vos journalistes !
Une des conditions peu souvent abordée pour boucler le Chapitre 23 est l'administration publique. Il est demandé à la Croatie qu'elle dépolitise l'administration publique, crée un cadre législatif afin de mettre en place une administration publique professionnelle, et il lui est suggéré d'y parvenir à l'aide d'un nouveau système de rénumération. D'ici la fin de l'année les fonctionnaires dans les divers ministères devraient être rénumérés en fonction des résultats de leur travail, ce qui serait en même temps le critère pour leur promotion. L'UE demande à la Croatie de prêter une attention particulière aux enquêtes et aux procès liés à l'intimidation de journalistes et aux faits de violence dont ils sont victimes, notamment les journalistes qui s'occupent d'enquêter sur les affaires de corruption et de la criminalité organisée. Les formules dont use le document sur la position communautaire de l'UE montrent clairement que l'on songe par là à l'inefficacité des organes de répression dans le cas du passage à tabac qu'a subi le journaliste Dušan Miljuš dont les agresseurs après deux ans n'ont toujours pas été démasqués. D'après les informations dont dispose l'Association des journalistes croate, ces quinze dernières années, outre le cas le plus dramatique - l'assassinat d'Ivo Pukanić - ont eu lieu une quarantaine d'agressions contre des journalistes, or seules quelques affaires ont été résolues. Le détenteur du record en la matière est Branimir Glavaš qui malgré tout n'a jamais répondu de ses attaques contre des journalistes. Bruxelles exprime également son inquiétude pour la liberté des médias en raison de l'influence de la politique sur les médias. C'est ainsi que "l'UE demande à la Croatie de faire en sorte que les rédacteurs et les journalistes ne fassent pas l'objet de pressions politiques aux niveaux étatique et local."
Rien ou presque rien n'est dit sur la police à laquelle il convient de consacrer un gros effort. L'UE remarque qu'il faut accroître l'efficacité de la police et elle signale que cela se fera si l'on s'attaque à sa dépolitisation, si l'on veille à une meilleure professionnalisation des policiers et si les nominations se basent sur les résultats.
L'USKOK sous-équipé
Il est reproché à la police de ne pas être spécialisée, notamment en matière de criminalité financière. Bien que depuis qu'il soit entré en fonction le ministre de la police Tomislav Karamarko affirme que son objectif est de dépolitiser la police et de la professionnaliser, l'UE lui fait remarquer que c'est exactement l'inverse qui se produit. Visiblement Bruxelles ne semble pas juger suffisants les résultats obtenus et elle n'a pas vu d'un bon oeil les remplacements massifs ainsi que la complète réorganisation de la police criminelle dont ont été expulsés des personnes qui dirigeaient les actions les plus complexes pour réprimer la corruption et la criminalité organisée et celles qui mettaient en place des organes spécifiques pour ces formes de criminalité. Aux sérieuses critiques sur le compte de la police s'ajoute les moyens insuffisants affectés pour le travail, le mauvais équipement technique, notamment en ce qui concerne l'USKOK.
Un gros chapitre dans le document en ce qui concerne la nomination des juges vient rappeler à quel point l'UE est rebutée par l'ingérence de la politique dans la justice et la mise à mal de son indépendance. Les affectations douteuses et politiquement motivées dans la magistrature sont mal perçues au point qu'il est demandé à la Croatie de changer entièrement le système de recrutement des juges et d'ouvrir de surcroît une école spéciale de l'Etat par laquelle devront passer les candidats après être sortis de la Faculté de Droit.
Les juristes émettent de nombreuses critiques envers ce système de recrutement des juges, ils lui trouvent une quantité de lacunes, mais visiblement c'est le prix que nous avons à payer après une série de scandaleuses nominations. Un exemple en est l'ancienne ministre de la Justice Ana Lovrin qui a ouvert un concours pour les juges du Tribunal d'instance de Zadar et dans lequel a été choisie sa fille Iva Lovrin. Parmi les problèmes politiques figure le besoin d'amender la Loi sur le financement des partis politiques, et cela de façon à toucher également les campagnes électorales. Pour la plupart des critères il est demandé au Gouvernement d'assurer les conditions techniques pour le travail des juges et des procureurs. Enfin, il est clair qu'une des conditions pour boucler ce chapitre est de continuer de collaborer avec La Haye.
Source : vecernji.hr, le 19 juillet 2010.